Le Lucernaire restera ouvert tout l’été ! L’occasion, chères cigales, d’y applaudir Love song thérapie, une version musicale du Songe d’une nuit d’été, concoctée par Ned Grujic.
Vous allez être surpris. Le début est une séance de thérapie de groupe, menée par Puckmen, un psychologue ! Vous vous dites que c’est loin de l’univers de Shakespeare. Pourtant, on retrouve, comme dans la pièce, un couple fusionnel, un couple dysfonctionnel et un autre qui se bat pour la garde de leur fils. En faisant entrer Freud dans le monde du grand auteur anglais, Ned Grujic nous dit que le propos de sa pièce trouve un écho dans notre société actuelle. Pour résoudre leur problème, le psy va les hypnotiser et les envoyer aux pays des songes, dans une étrange forêt habitée par les fées et les mages. A partir de là, nous retrouvons l’œuvre initiale mais nous l’écoutons différemment.
L’après-midi d’un faune
L’autre intérêt réside dans le format du musical. Le songe s’y prête. Purcell en a tiré son magnifique The Fairy Queen et l’on se souvient de l’excellente version d’Antoine Herbez qui mélangeait l’opéra et la pièce. Ned Grujic est un spécialiste des comédies musicales. On lui doit, entre autres, les mises en scène de Frankenstein Junior, Oliver Twist, Mowgli l’enfant loup. Pour ce Love song thérapie, il a écrit des chansons originales, toutes réussies. On a une préférence pour celle qui égraine la longue liste des grands amoureux de la littérature. La partition est signée Raphaël Sanchez, un de nos grands compositeurs actuels de théâtre musical. Ici pas d’orchestre, la salle est trop petite, mais juste un piano et son pianiste, le maestro lui-même, qui accompagne, en direct, les artistes chanteurs. Nous sommes dans les tonalités de Debussy. Ce qui habille avec une belle élégance la pièce de Shakespeare.
Je t’aime, moi non plus
La course des amants terribles, leurs jeux de l’amour pris aux pièges des sortilèges de Puck, les disputes entre Titania et Oberon, tout ce qui fait le charme de la comédie de Shakespeare est traité avec discernement. L’adaptation est finement conçue. Mettant en avant l’art clownesque, la fameuse scène des artisans apprentis comédiens est joyeusement soignée. N’oublions pas pour autant ce pauvre Bottom transformé en âne, usé par les désirs de la reine des fées. La scène est adroitement traitée. A l’ombre d’une scénographie reflétant les arbres de la forêt, un jeu de lumière jouant sur les clairs-obscurs, la féerie se met en marche. Visuellement, c’est très beau. Ned Grujic a su donner le rythme et la fantaisie qui conviennent à cette farce où chacun finit par trouver sa raison et son chemin.
Harmonie et polyphonie
Comédiennes et comédiens allient le jeu et le chant avec une belle aisance. Ils sont nombreux à se partager l’affiche pour l’été. Le soir de notre venue, la distribution était tenue par Marion Belhamou (épatante Héléna et drôlissime cheffe des artisans), Julie Costanza (délicieuse Hermia), Margaux Lloret (touchante Titania), Julien Rouquette (formidable Lysandre), Jean-Baptiste Darosey (étonnant Dimitriuis et génial Bottom), Janis Palu (sensible Oberon) et Simon Gallant (faquin à souhait en Puck). Avec talent et dynamisme, ils nous entraînent dans cette douce et poétique folie qui souffle comme une douce bise d’été.
Marie-Céline Nivière
Love song thérapie, d’après Le songe d’une nuit d’été de Shakespeare.
Lucernaire.
53 rue Notre-Dame-des-Champs 75006 Paris.
Du 8 juin au 28 août 2022.
Du mardi au samedi à 21h, à 18h dimanche.
Durée 1h40.
Adaptation et mise en scène de Ned Grujic.
Musique et piano Raphaël Sanchez.
Chorégraphie de Julia Ledl.
Avec Marion Belhamou ou Catherine Salmito, Julie Costanza ou Alice Fleurey, Jean-Baptiste Darosey ou Charles Schmitt ou Louis Buisset, Vincent Gilliéron ou Janis Palu, Simon Gallant ou Merwan Benmansour, Margaux LLoret ou Laure-Marie Harrant, Julien Rouquette.
Scénographie de Danièle Rozier.
Costumes de Corinne Rossi.
Lumières de Véronique Guidevaux et Alexandre Delabie.
Masques de Martine Guinard.
Crédit photos ©Stéphane P.