Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
Odile Blanchet : Un spectacle d’humour un soir de réveillon, avec ma famille. Mais je suis surtout marquée par les salles de théâtre. Je les ai admirées, respirées… j’ai toujours su que j’étais dans mon élément.
Bérénice Boccara : Le premier qui m’ait marqué, c’est un des spectacles de l’École de Danse de l’Opéra de Paris. Il y avait un extrait du ballet La Somnambule de Balanchine, que j’ai trouvé sublime.
Sana Puis : Un duo de clowns, lors d’un spectacle de rue. J’étais enfant et j’avais du mal à croire que c’était leur métier.
Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
Odile Blanchet : J’ai d’abord suivi un cursus scientifique et j’ai travaillé comme biologiste pour « rester dans les clous », mais ma passion et ma détermination étaient plus fortes et j’ai tout abandonné pour pouvoir m’y consacrer professionnellement.
Bérénice Boccara : Je n’ai pas de réponse.
Sana Puis : Il n’y a pas eu de déclencheur particulier, j’ai commencé à faire du théâtre enfant et l’épanouissement que cela me procurait m’a poussé naturellement à ne jamais arrêter et à vouloir en faire mon métier. J’ai eu la chance d’être soutenu et encouragé par mon entourage.
Qu’est ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédienne ?
Odile Blanchet : Des acteurs qui m’ont marquée comme Jim Carrey dans tous les films qui ont bercés mon enfance et la performance d’Helena Bonham Carter dans Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban. Pouvoir jouer des personnages hauts en couleur, faire rire, provoquer des émotions, faire croire et en faire une carrière.
Bérénice Boccara : L’amour du verbe et l’attrait des textes et auteurs classiques (Hugo, Rostand, Montherlant).
Sana Puis : Principalement le plaisir de jouer à être quelqu’un d’autre ; la création d’un personnage, parfois très différent de nous, est un travail passionnant. Mais c’est aussi le partage d’émotions avec les partenaires et avec le public qui me touche dans ce métier.
Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
Odile Blanchet : Un spectacle de fin d’année d’études au Québec, dans une troupe amateur. Le plaisir d’oser jouer devant des gens, de ne plus me cacher, et le bonheur de recevoir des retours positifs et de faire rire.
Bérénice Boccara :Victor Hugo : sans autre forme de procès, le spectacle de fin d’année de mon premier cours de théâtre, animé par Caroline Darnay. J’ai le souvenir d’avoir eu un grand trac avant de jouer, mais terriblement envie de retourner sur scène, après coup.
Sana Puis : J’avais 10 ans, c’était un spectacle créé par notre professeur et je me souviens avoir fait rire le public et m’être soudainement sentie à ma place.
Votre plus grand coup de cœur scénique ?
Odile Blanchet : Les Chatouilles d’Andréa Bescond et Eric Métayer. La force, la présence scénique, l’intelligence, l’écriture, l’humour. Ça m’a bouleversée.
Bérénice Boccara : Dom Juan, interprété et mis en scène par Arnaud Denis, que j’ai vu il y a quelques années au Théâtre de l’Ouest Parisien, à égalité avec L’Aiglon mis en scène par Maryse Estier, que j’ai vu au Théâtre Montansier l’automne dernier.
Sana Puis : Philippe Caubère a été une découverte bouleversante, notamment dans son spectacle La danse du diable.
Quelles sont vos plus belles rencontres ?
Odile Blanchet : Ma professeur Déborah Podowski à Vancouver, beaucoup de femmes qui font partie de ma vie en ce moment, et toute l’équipe de La Ligne Rose, à commencer par mes partenaires de jeu.
Bérénice Boccara : Les rencontres que j’ai faites au cours Le Foyer (les professeurs et certains élèves) seront déterminantes dans ma vie et ma carrière, sans aucun doute.
Sana Puis : Mes professeurs de théâtre et plus particulièrement la première, qui a déclenchée en moi ce plaisir du jeu, lorsque j’avais 10 ans.
En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
Odile Blanchet : J’ai grandi la tête dans les nuages, à m’imaginer des histoires, à les raconter aux autres et à créer des personnages. Quand j’ai tenté de suivre une voie professionnelle plus stable et plus rangée, ça ne m’a pris que quelques mois pour disparaître et décrépir. Je dirai donc que mon métier est vital à mon équilibre et que j’ai beaucoup de chance d’être soutenue par mon entourage.
Bérénice Boccara : C’est une sorte d’exutoire qui donne l’opportunité d’être intense et passionnée sur scène et qui permet d’avoir une forme de tranquillité et de sérénité dans la vie quotidienne.
Sana Puis : Mon métier nécessite d’être curieux, de s’interroger, d’écouter, d’observer, de s’adapter, d’apprendre toujours plus. Il me bouscule, me stimule et me provoque des sensations de joie et de fierté rarement retrouvées ailleurs.
Qu’est-ce qui vous inspire ?
Odile Blanchet : La vie de tous les jours, la musique, l’humour, l’Histoire en général, et celle des femmes plus spécifiquement.
Bérénice Boccara : Certaines œuvres marquantes (La Reine Morte, Marie Tudor, Hernani, L’Aiglon) et des performances d’acteurs que je trouve formidables (Daniel Auteuil dans Manon des Sources, Susan Sarandon dans Thelma & Louise).
Sana Puis : Les relations humaines, la vie en société, l’art… tout ce qui m’entoure.
De quel ordre est votre rapport à la scène ?
Odile Blanchet : Essentiel.
Bérénice Boccara : Il est de plus en plus tranquille au fur et à mesure des spectacles. Avec le temps, le trac est moins présent, il y a une forme de détente qui apparaît et qui permet de profiter plus pleinement de chaque instant sur scène.
Sana Puis : Moi qui suis plutôt introvertie je ne suis pas très à l’aise face à un public si je ne joue pas de rôle. En revanche quelle sensation folle de provoquer des rires, des larmes, d’embarquer le temps d’un instant des spectateurs dans un univers, grâce à un personnage d’emprunt.
A quel endroit de votre chair, de votre corps situez-vous votre désir de faire votre métier ?
Odile Blanchet : Dans les tripes.
Bérénice Boccara : La tête ?
Sana Puis : Le ventre ! C’est là que se manifestent les sensations que me provoque la scène : le traque, l’envie, l’excitation…
Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
Odile Blanchet : Avec celles et ceux qui travaillent à rendre notre métier plus sain et équitable. Les passionné(e)s, les bosseurs et bosseuses qui parleront le même langage que moi.
Bérénice Boccara : Gérard Savoisien, dramaturge qui a écrit des textes sublimes, comme Mademoiselle Molière et Marie des Poules. Arnaud Denis, comédien et metteur en scène. Il fut l’un de mes professeurs, maintenant c’est un ami. Johanna Boyé, metteuse en scène. J’ai vu Les Filles aux mains jaunes et Est-ce que j’ai une gueule d’Arletty ?, que j’ai beaucoup aimés.
Sana Puis : En mise en scène, j’adorerai travailler avec Thomas Jolly, Louis Arène ou Ariane Mnouchkine et j’admire le jeu de Niels Arestrup, Christian Hecq et Saadia Bentaieb sur le plateau.
A quel projet fou aimeriez-vous participer ?
Odile Blanchet : A l’adaptation cinématographique de La Ligne Rose.
Bérénice Boccara : Si quelqu’un est assez fou pour monter un « projet monstre » comme Hernani ou Marie Tudor, en bonne et due forme, c’est-à-dire sans supprimer de personnages et sans créer de double distribution (ce qui semble fou, de nos jours), j’aimerais terriblement en être.
Sana Puis : « Projet fou », je ne sais pas, mais j’ai plusieurs envies et projets en tête que je ne peux pas évoquer… par superstition.
Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
Odile Blanchet : Une œuvre musicale composée par Hans Zimmer.
Bérénice Boccara : Je cherche encore la réponse.
Sana Puis : Je pense que je serai un ballet de Pina Baush. La danse est un art qui m’a toujours beaucoup touché et particulièrement le travail de cette chorégraphe.
Propos recueillis par Marie-Céline Nivière
La Ligne Rose de et par Odile Blanchet, Bérénice Boccara, Sana Puis.
Théâtre Lepic.
1 avenue Junot 75018 Paris.
Du 17 juin au 4 septembre 2022.
Crédits photos Affiche©Cyril Bruneau, Odile Blanchet ©DR, Bérénice Boccara ©Studio ACT Photography, Sana Puis ©DR.