Programmé dans le cadre des vingt ans de CircusNext, Fissure de Camille Boitel est un spectacle drôle, sombre, presque gothique. Alors que le label européen fêtait, il y a peu, sa deuxième décennie d’accompagnement et de soutien aux acteurs émergents du cirque contemporain, le Théâtre de la Cité internationale a accueilli celui qui fut, avec sa compagnie L’Immédiat, l’un des premiers lauréats du programme. Toujours sur le feu de la création, en dialogue avec les artistes, la sélection de CircusNext réunit aujourd’hui dix-sept pays et offre à des circassiens pas toujours insérés dans le circuit des lieux de résidence, des dates de diffusion et des partenariats.
Pour Camille Boitel, à chaque jour suffit sa peine, surtout si la mort attend au tournant du soir. À chaque crépuscule d’un soleil mécanique qui ne cesse de se lever et se coucher au-dessus du plateau, de cour à jardin, Fissure se tue, inlassablement. Sur le sol incliné d’une chambre meublée de vieilleries, ce clown magnifique, dont la crinière rouge et ébouriffée rappelle les démons japonais, trouve mille façons de mourir. Par accident ou par suicide, étouffé dans un placard ou aspiré par les trous d’un plancher piégé…
Le cirque-catastrophe de Camille Boitel est guidé par l’idée poétique, où cohabitent le comique et la mélancolie. Dans la salle, enfants et adultes rient allègrement de l’inéluctable capitulation du clown, dès la première saynète où Fissure, en quelques secondes, finit écrasé sous le poids d’une armoire. On se demande ce qui se tapit derrière cet élan de mort, avant de comprendre qu’il cache un moteur de vie, de renouvellement perpétuel. Redoublant d’inventivité pour faire mourir son clown, dont les dépouilles passées s’amoncellent sur le parquet comme des poupées abandonnées, Camille Boitel, épaulé dans l’écriture par sa collaboratrice Sève Bernard, invite la surprise dans la répétition.
L’univers de Fissure a un parfum de poussière, d’alcool et de plastique mélangés. S’y mêlent les ressorts d’une tradition comique burlesque et une écriture plus contemporaine. Visuellement, le costume baroque et saturé de Caroline Dumoutiers, Nathalie Saulnier et Lucie Milvoy crée de captivants tableaux dans ce décor d’antiquaire. Le circassien Boitel, qui a fait ses armes chez Annie Fratellini, dessine là un spectacle saisissant avec de vraies qualités d’esthète et un style qui lui est propre, incontestablement.
Samuel Gleyze-Esteban
Fissure de Camille Boitel
Théâtre de la Cité internationale
17 boulevard Jourdan
75014 Paris
Tournée
Les 4 et 5 octobre 2022 à l’Equinoxe (Chateauroux)
Du 14 au 16 octobre 2022 au Cirque-Théâtre d’Elbeuf
Le 19 novembre 2022 au Pavillon (Romainville)
Les 25 et 26 novembre 2022 au Théâtre de Grasse
Les 2 et 3 décembre 2022 au Pôle (Le Revest-les-Eaux)
Les 19 et 20 janvier 2023 au Bois de l’Aune (Aix-en-Provence)
Du 21 au 23 février 2023 au Bonlieu (Annecy)
Ecriture et mise en scène : Camille Boitel et Sève Bernard
Idée originale, scénographie et interprétation : Camille Boitel
Jeu et manipulations d’objets : Juliette Wierzbicki
Régie plateau : Audrey Carrot
Régie lumière : Jacques Grislin
Construction décors : Vincent Gadras
Accessoires : L’immédiat, Guillaume Béguinot et Margot Chalmeton,
Avec l’aide de Franck Limon-Duparcmeur, Maxime Burochain, Sylvain Giraudeau, Hervé Vieusse et Louise Diebold
Remerciements à Christophe Charamond et Thomas Marechal
Confection des costumes : Caroline Dumoutiers, Nathalie Saulnier, Lucie Milvoy
Régie générale : Stéphane Graillot
Crédit photos © L’Immédiat