Le livre de l’intranquillité ©Mathieu Camille Collin

Quand le roman s’invite en scène

À la Huchette et aux Déchargeurs, Marion Lahmer et David Legras s’emparent respectivement des plumes de Pesoa et Quinard.

Donner vie à un roman sur un plateau de théâtre est un exercice des plus complexes. Respectivement, aux Déchargeurs et à la Huchette, David Legras et Marion Lahmer s’emparent pour l’un de Le livre de l’intranquillité de Pesoa pour l’autre de Le nom sur le bout de la langue de Pascal Quinard. Deux expériences troublantes ! 

Depuis un an, Franck Desmedt promène son adaptation de La Promesse de l’aube de Romain Gary avec succès. On le sait, les comédiens et comédiennes aiment l’exercice, qui dépasse souvent la simple lecture, qui est de donner une vie théâtrale aux romans. Cela permet à certains de découvrir l’œuvre et à d’autres de la redécouvrir par le prisme de la théâtralisation. Deux spectacles ont retenu notre attention, Le livre de l’intranquillité de Pesoa par David Legras et Le nom sur le bout de la langue de Quinard par Marion Lahmer.

Le livre de l’intranquillité

Aux Déchargeurs, David Legras nous offre sa vision du chef-d’œuvre du portugais Fernando PesoaLe livre de l’intranquillité est le journal qu’il a tenu pendant presque toute sa vie et qu’il attribue à un modeste employé de bureau de Lisbonne. A travers les pensées et les réflexions de son hétéronyme Bernardo Soares, l’auteur se fait le fin observateur de cet « infiniment petit de l’espace du dedans ». Qu’est-ce que vivre ? Pesoa nous rappelle alors que finalement la vie, quelle qu’elle soit, vaut tout l’or du monde. Dans cette scénographie, évoquant le radeau sur lequel le personnage navigue sur une mer ignorée de lui-même, David Legras s’est emparé de ce grand texte avec une belle délicatesse. Son adaptation et son interprétation sont parfaites. On peut parfois s’échapper, mais c’est normal puisque ce texte nous emporte et nous amène à plonger dans notre monde intime. Fin diseur, le comédien propose aussi à la Contrescarpe, À la recherche du temps perdu de Proust.

Le nom sur le bout de la langue

Le nom sur le bout de la langue ©Alejandro Guerrero

Sur la petite scène du théâtre de La Huchette, la comédienne Marion Lahmer, qui appartient à la troupe du théâtre, présente sa belle adaptation du texte de Pascal Quinard. Ce conte, à la manière d’un Italo Calvino, narre l’histoire poétique et fantastique de Colbrune. Dans cette Normandie du Xe siècle, cette jeune femme va suivre son désir jusqu’au bout et l’éprouver. Il y a des pactes qu’il vaut mieux éviter de signer. Que reste-t-il quand le nom, les mots, s’effacent de tout souvenir ? La comédienne, mise en scène par Aurélia Arto, a su tirer de ce texte intense, tout le suc de la fable, lui donnant ainsi, par son interprétation, une vie charnelle très forte. Et puisque les mots n’attendaient que cela, ils sont accompagnés par les notes du clarinettiste Matteo Pastorino. C’est beau.

Marie-Céline Nivière

Le livre de l’intranquillité de Fernando Pesoa.
Théâtre des Déchargeurs.
Du 4 au 28 mai 2022.
Du mercredi au samedi à 19h15
Durée 1h15

Adaptation, mise en scène et jeu de David Legras.
Assistante à la mise en scène Camille Delpech.
Lumière de Dan Imbert.
Costumes de Jérôme Ragon.
Décor de Jacques Poix-Terrier.
Chorégraphie d’Anna Yespes.

Le nom sur le bout de la langue de Pascal Quinard.
Théâtre de La Huchette.
Du 2 au 30 mai 2022
Les lundis à 19h.
Durée 1h10.

Conception Aurélia Arto et Marion Lahmer.
Mise en scène d’Aurélia Arto.

Avec Marion Lahmer et Matteo Pastorino (musique).
Costumes de Juliette Ozouf.

Régie d’Yves Tuillier.

Photos pour Le livre de l’intranquillité © Matthieu Camille Collin, pour Le nom sur le bout de la langue © Alejandro Guerrero.

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