Dans le cadre de June Events, qui s’est ouvert le 31mai 2022, le duo Marion Carriau – Magda Kachouche répond à l’appel de la forêt et signe Chêne Centenaire, une fable écologique et post-apocalyptique qui se savoure en salle comme en extérieur. Rencontre.
En quelques mots pouvez-vous nous raconter comment la danse est entrée dans vos vies ?
Marion Carriau : J’ai toujours dansé. Je suis issue d’une famille de musiciens. Il semblait assez naturel que moi aussi je pratique un instrument et pourtant, la nécessité́ de me mouvoir était plus forte.
Magda Kachouche : J’ai commencé la danse, enfant dans le centre culturel de mon village, dans l’Oise. Mes parents m’ont inscrite ensuite au conservatoire départemental de Beauvais, puis je suis rentrée au conservatoire national de Boulogne Billancourt : une véritable ouverture sur le monde. La danse pour moi, c’était aussi la fête en famille : je me souviens apprenant la danse « du ventre » dans le salon de ma grand-mère algérienne, poussée par mes tantes.
Quel est votre parcours ?
Marion Carriau : J’ai fait mes études au CRR de Paris puis au CNDC d’Angers. J’ai ensuite eu un long parcours d’interprète. J’ai notamment travaillé avec Joanne Leighton, Arthur Perole, Laurent Goldring, Mylène Benoit, … J’ai créé́ l’Association Mirage et chorégraphié́ ma première pièce solo, Je suis tous les Dieux en 2018.
Magda Kachouche : Mon parcours est accidenté, non linéaire. Si la rencontre avec la danse a été un souffle immense pendant mon enfance, j’ai aussi souffert de l’académisme et de la dimension « exclusive » qu’exigeait cette discipline.
J’ai eu envie de faire des études générales, de découvrir d’autres pratiques (théâtre, cinéma, écriture) tout en continuant la danse en parallèle au sein de projets montés avec des amies.
Je suis revenue à la danse par une autre porte, plus tard, avec la rencontre des artistes et des chorégraphes. En 2010 j’ai notamment rencontré Mylène Benoit, que j’ai d’abord accompagnée en diffusion et en presse. Elle m’a proposé́e en 2013 de l’assister sur sa pièce Notre danse – et cette expérience a été déterminante, essentielle, moteur d’un nouvel engagement artistique.
Comment vous êtes-vous rencontrées ?
Marion Carriau & Magda Kachouche : Magda est la première personne que j’ai rencontrée lorsque je suis arrivée à Paris en 1999. Nous poursuivions toutes les 2 un cursus à horaires aménagés Danse, à distance de nos familles.
Notre collaboration artistique s’est initiée bien plus tard, lors de la création de Je suis tous les dieux pour laquelle Magda signe la lumière et la scénographie.
Cette première expérience de création a été l’occasion pour moi de comprendre à quel point les dimensions plastiques, scénographiques et lumineuses étaient prépondérantes dans mon écriture. Et cette identité́ du travail s’est construite en binôme, dans la complémentarité́ de nos regards et savoir-faire.
Très peu de temps après Je suis tous les Dieux, j’ai proposé́ à Magda que l’on co-écrive une pièce tout d’abord pensée comme une installation plastique qui est devenue Chêne Centenaire, une pièce qui répond finalement aux codes du spectacle.
Vous êtes programmées au festival, June Events que représente pour vous cette manifestation ?
Marion Carriau & Magda Kachouche : Chaque année, c’est avec une forme d’impatience qu’on attend le lancement du festival. C’est l’opportunité́ de découvrir une programmation pointue dans un cadre idyllique. Nous sommes heureuses de pouvoir y présenter notre travail pour la première fois.
Pour l’occasion vous créez un diptyque dont une partie se joue en plein air l’autre en intérieur. Comment avez- vous travaillé ?
Marion Carriau & Magda Kachouche : Depuis le départ, nous avons eu le désir de créer un objet nomade, qui puisse s’installer dans un théâtre comme dans une forêt ou un parc. Ainsi, nous parlons de Chêne Centenaire comme d’une pièce aux propriétés épiphytes. A l’instar de la plante, la pièce a la faculté́ de se poser en tout lieu. Nous l’avons toujours pensée comme arborescente : dedans, dehors et avec. Le premier lieu dans lequel nous avons été accueillies en résidence est l’Abbaye de Maubuisson. Dès les premiers jours de travail nous avons alterné entre le dedans et le dehors et avons alors éprouvé́ combien la recherche, au contact du Vivant était fertile. Nous avons d’abord créé́ la version intérieure au Centre chorégraphique de Tours en décembre 2021. Et puis, nous n’avons plus quitté les théâtres jusqu’au mois d’avril dernier où nous avons redécouvert la pièce dans la grande prairie de La Chambre d’Eau. Nous y avons travaillé la version extérieure/nuit dont la première aura lieu au parc floral dans le cadre du festival June Events. En parallèle, nous avons entamé́ les répétitions de Paysan.ne.s – celleux qui créent le paysage – , version participative de Chêne centenaire pensée avec et pour une quinzaine d’habitants de Montreuil. Cette pièce « avec » sera présentée le 3 juillet au parc des Guilands en partenariat avec Dansedense.
Qu’est-ce qui vous a inspiré́ dans cette proposition ?
Marion Carriau & Magda Kachouche : Beaucoup de joie ! C’est l’occasion idéale pour éprouver la pièce dans ses différentes identités. Nous avions pensé́ Chêne Centenaire dans ses 2 versions depuis le départ et c’est avec grand enthousiasme que nous avons accueilli la proposition d’Anne Sauvage de présenter la pièce dans ses deux formats à deux jours d’intervalle.
Est-ce que la manière de créer, d’écrire est différente en fonction du lieu, de l’environnement ?
Marion Carriau & Magda Kachouche : Nous avons d’abord écrit une version pour l’ intérieur, puis nous avons déplacé́ la recherche et l’écriture dehors, alors que la version pour plateau avait déjà̀ vu le jour. L’expérience de ce déplacement a été une véritable révélation, et nous a permis non seulement de créer la version extérieure de la pièce, mais aussi de revisiter l’écriture de la version intérieure, d’en clarifier les enjeux. Dehors, le paysage nous précède, il est habité́, bruyant, plein, souverain. Il nous a permis d’épurer l’écriture, et de replacer au centre nos présences, en relation avec l’espace et ses habitants.
Comment les deux spectacles s’articulent ?
Marion Carriau & Magda Kachouche : La dramaturgie de la pièce est sensiblement la même dedans ou dehors, néanmoins, elle se lit différemment en fonction du contexte dans lequel elle est présentée. Finalement, le principe de déploiement du paysage est presque inversé. Dans le théâtre, nous partons d’un espace vide, neutre et silencieux pour y construire un paysage. Nous activons les artifices du théâtre (la lumière, la machinerie, …) pour faire émerger la fiction. A l’extérieur, nous nous installons dans un paysage préexistant, habité et vivant. Il y a un principe d’écoute, d’observation, de compréhension et d’adaptation au lieu dans lequel on s’installe.
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Chêne Centenaire de Marion Carriau & Magda Kachouche
Cie Mirage
June Events
Atelier de Paris
Route des grandes manœuvres
75012 Paris
Le Jeudi 9 juin à 19h30 – (version extérieur) le 11 juin à 22h30
durée 55 min
Crédit photos © Benoît Ménéboo et © Léa Mercier