À Montpellier, dans le très beau cadre de l’Agora-Cité internationale de la Danse, le metteur en scène lillois ouvre le bal du festival créé en 1987 à l’initiative du Conseil Général de l’Hérault, avec son adaptation lumineuse et limpide de l’œuvre de Sophocle.
Le ciel est encore clair quand les premiers spectateurs pénètrent dans l’enceinte de l’ancien couvent des Ursulines. Petit à petit, les gradins se remplissent. La salle est comble en ce soir de première. Sur scène, le décor imaginé par Emmanuel Clolus se fond dans la pierre jaune des murs. Rien ne laisse à penser que colonnes, autels, gazon ont été rajoutés. Tout invite à un voyage immobile vers le royaume de Thèbes, où règne en harmonie Œdipe (intense Christophe Grégoire) et sa femme tant aimée Jocaste (royale Agnès Sourdillon).
Cité en perdition
Le peuple gronde. Maladies et fléaux de toutes sortes s’abattent sur la ville, tuent à foison. La cité est maudite. En souverain bienveillant, sensible aux souffrances de ses concitoyens, il fait appel aux oracles d’Appolon, dieu protecteur des Thébains, pour enrayer cette funeste spirale. Malheureusement, un autre drame se joue en coulisses, au cœur de sa maison. Pour sauver les hommes, les femmes dont il a la responsabilité, Œdipe devra affronter de terribles vérités, les origines de sa naissance, l’odieux crime dont il est responsable à son corps ignorant.
Tragédie des tragédies
Dans un monde où l’on croit aux prophéties et aux prédictions, où l’on craint la colère des dieux, où le cœur l’emporte sur la raison, les passions sur la logique, il n’existe pas de demi-mesures, pas ou prou de rédemptions. Le drame va jusqu’à son terme, rien ne peut arrêter sa funeste course. Travaillant jusqu’à l’os, à partir de plusieurs traductions, le magnifique texte de Sophocle, Éric Lacascade porte au plateau une vérité nue, un récit dépouillé, une tragédie implacable. Formellement très sobre, sa mise en scène, parfaitement adaptée à l’écrin de pierre du théâtre, conjugue habillement le classique et le contemporain. Les mots sonnent, résonnent sous la voûte céleste. Ils sont limpides, clairs. Les jeux, encore un peu raides, sont habités, ciselés au cordeau. Tout concourt pour faire de cette co-production du Printemps des Comédiens, un beau succès, ambitieux autant qu’audacieux.
Une troupe à chœur
Brisant le quatrième mur, s’adressant au public, devenu en un battement de cil, le peuple de Thèbes, Christophe Grégoire incarne un Œdipe juste, intransigeant, tranchant comme une lame. Face à lui, Agnès Sourdillon éclaire avec une belle humanité, le personnage de Jocaste. Et Jérôme Bidaux – en alternance avec Éric Lacascade – un Créon compassionnel mais intraitable. Le reste de la troupe est au diapason. Saisi par la force du texte, les présences intenses des comédiens, cet Œdipe roi est de bel augure pour la suite du festival, qui tiendra en haleine curieux et festivaliers jusqu’au 25 juin. Prenez place, entrez dans la ronde et laissez-vous porter par une programmation éclectique à faire saliver les gourmands d’art vivant !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Montpellier
Œdipe roi d’après Sophocle
Printemps des comédiens
Agora – Cité international de la Danse
8 rue Sainte-Ursule
34000 Montpellier
Jusqu’au 5 juin 2022
Durée 1h30 environ
Mise en scène d’Éric Lacascade
Avec Emil Abossolo Mbo, Alexandre Alberts, Leslie Bernard, Alain d’Haeyer, Christophe Grégoire, Éric Lacascade en alternance avec Jérôme Bidaux, Christelle Legroux, Agnès Sourdillon
Et les enfants d’Œdipe : Léonor Sintes, Sacha Navarro Valette en alternance avec Mathilde Gaumain et Shirel Girynowicz
Collaboration artistique – Leslie Bernard, Jérôme Bidaux et Maija Nousiainen
Scénographie d’Emmanuel Clolus
Lumières de Stéphane Babi Aubert
Son de Marc Bretonnière
Costumes de Sandrine Rozier Assistée de Marie-Pierre Callies
Régie Générale – Olivier Beauchet Filleau
Stagiaires – Ameline Fauvy, Clara Vaudable et Julia Khannous
Construction Décors – Albaka
Crédit photos © Marie Clauzade