L’introspection jubilatoire de Mickaël Délis

Depuis Philippe Caubère, l’auto fiction est devenue une forme théâtrale très prisée des comédiens et comédiennes. C’est un art difficile, il faut avoir des choses personnelles à raconter et, surtout, que celles-ci touchent l’universel ! En règle générale, cela marche parce qu’il y est question de la construction d’un être humain. L’autre difficulté est l’interprétation du récit. Il faut maîtriser ce style caubérien qui donne vie à plusieurs personnages et à de nombreux sentiments. Après avoir présenté, en 2018, une première mouture, Mickaël Délis réalise avec un sans-faute qui nous a emballés.

Être ou ne pas être

Le titre de son spectacle est un clin d’œil malicieux à l’ouvrage de Simone de Beauvoir, Le deuxième sexe. La philosophe y soulignait qu’aucune femme n’a son destin tout tracé et que l’émancipation féminine réussira grâce à la volonté solidaire des hommes et des femmes. Elle y écrivit son fameux : On ne naît pas femme, on le devient. Phrase inspirée par Erasme qui lui disait : on ne naît pas homme, on le devient. Qu’est-ce qui fait le mâle sans faire de mal ? Pour y répondre, Délis a choisi de suivre le déroulé du tome II pour faire défiler sa narration : l’enfance, l’adolescence, l’initiation sexuelle, l’homosexualité, le mariage, la paternité et la vie en société.

Tu seras un homme, tout simplement

A travers son parcours, Délis montre le miroir d’un monde encore trop formaté par les stéréotypes. Ce contre quoi sa cocasse de mère s’est toujours battue. Qu’il est beau ce personnage de femme libérée mais totalement accro à ses anxiolytiques ! Son fils a une gueule d’ange et on le prend trop souvent pour une fille ! Et alors, où et le problème ? Il est comme il est, qu’est-ce que ça peut vous faire ? Ce qui n’empêche pas à ce petit garçon de se chercher, de comprendre la place qu’il va devoir se faire dans la vie, d’accepter ses différences, sa part de féminité et sa virilité. Le regard de l’autre, les codes sociétaux ne cessent d’entraver notre bonheur et à nous de nous dépatouiller avec ça. Ce qui fait le bonheur des psys en tout genre.

Galerie de portraits

Plateau nu, une chaise et un habile jeu de lumière sont le terrain de jeu du comédien. Le dépouillement permet à notre imaginaire de voir surgir les lieux. Pour les personnages, une immense chemise blanche qui se transforme en étole, en blouse, en plein d’autres choses, nous permet de voir le héros, la mère, le frère jumeau, le père, le psy et autres. Il lui suffit d’un geste, un ton de voix, une attitude, pour les faits vivre avec délicatesse et beaucoup de tendresse. Tout est juste dans ses interprétations. Tout comme Lionel Lingesler avec Les possédés d’Iffurth, Mickaël Délis montre combien la parole libère. Par le prisme de nos propres failles, de nos propres différences, nous nous retrouvons dans son histoire, qui est celle d’être humain. Bravo.

Marie-Céline Nivière