À Rennes, le festival Mythos s’achève sur une note écologique et humaine. À travers trois spectacles atypiques, artistes, plasticiens et scénographes proposent des parcours qui questionnent notre rapport à la nature, aux souvenirs et à la vie.
Après plusieurs jours de pluie, le soleil irradie le parc du Thabor, réchauffe les visages, les corps. Devant le chapiteau qui abrite les concerts, les premiers festivaliers profitent du beau temps pour prendre un café, discuter des spectacles vus la veille. L’ambiance de cette 25e édition est festive et conviviale, comme si le monde s’était arrêté une petite dizaine de jours, comme si le premier tour des élections présidentielles était encore lointain. Dans quelques minutes, les premières représentations de la journée vont commencer.
Balade en forêt
A quelques encablures du centre-ville de Rennes, à Liffré, en lisière de forêt, la Cie Bakélite propose de découvrir un tout nouveau concept immobilier, une sorte de Dubaï 2 au cœur du poumon vert de la Bretagne. Prenant à contre-pieds les considérations écologiques, enjeu crucial des trois années à venir, la troupe spécialisée en théâtre d’objets imagine une déambulation au cœur de la nature avant que celle-ci ne laisse place à des bâtiments de bétons, des allées goudronnées, des entreprises qui n’ont d’autres vocations que de façonner l’humain en idéal humanoïde. Bien que dystopique et outrancière, la fiction à laquelle nous convie le collectif aborde avec humour noir le monde de demain, le cynisme des prometteurs et de nos dirigeants. Sans prétention, Forêt For Ever#2 est une promenade sylvestre sympathique, un conte d’anticipation un peu simplet qui dénonce gentiment les travers de nos sociétés contemporaines sans creuser plus avant le sujet qui sert de matrice à cette déambulation bucolique, les dérives capitalistes au détriment de l’environnement. Un moment agréable à partager en famille !
Les murs ont des oreilles
Retour à Rennes pour découvrir le village d’Alphonse, un pavillon de banlieue dont la façade est peinte à la manière de Mondrian. Loin du tumulte de la ville, Camille Duvelleroy et Caroline Melon invitent à pénétrer dans les secrets d’une maison et de ses habitantes successives. De pièce en pièce, les objets abandonnés par Anouk, Marie-Claude, Blanche ou Azra, donnent vie au lieu, réveillent les vieux fantômes planqués dans les murs. Au fil des récits que chacune des six femmes à laisser à l’attention de la suivante dans une boite rouge, les récits familiaux et amoureux, qui font vibrer cette bâtisse kaléidoscopique depuis sa construction dans les années 1950, défilent devant les yeux des spectateurs-déambulateurs. L’imaginaire et la curiosité font le reste, comblent les vides, les ellipses. Plus installation scénographique que spectacle, Quand ça commence traverse plus de 70 ans d’émancipation féminine, d’histoire de femme(s). Entre voyeurisme et indiscrétion, l’œuvre, dont on salue le souci du détail, la mise en espace particulièrement minutieuse, questionnent notre rapport à l’autre, notre besoin irrépressif de fouiller, fureter dans les affaires d’autrui en quête de quelques cadavres dans le placard.
Egotrip de fin du monde
La journée s’achève à deux pas du parc Thabor, au centre chorégraphique national de Rennes Bretagne. Le duo franco-anglais Bert and Nasi invite le public à assister à une dernière danse, celle de leur duo, mais aussi celle du monde. Face aux catastrophes à venir, les deux artistes proposent, à travers un diaporama qui conte le noir avenir de la terre ainsi que leur triste destinée, séparation, divorce, maladie, etc., un pas de deux sautillant, virevoltant, assez vain. À part leur propre plaisir à se produire sur scène, rien ne vient nourrir leur propos, tenter de donner sens à leurs gestes, à leur manière d’appréhender un plateau vide. Sourire aux lèvres, rien ne les perturbe ni la vacuité de leur spectacle, ni le peu de réaction du public. Une étrangeté sans queue, ni tête !
La journée s’achève au son de Charlotte Cardin, de Crystal Murray ou de Barbara Rivage. Les festivaliers entrent sur le dancefloor jusqu’au bout d’une nuit divertissante et chaleureuse.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – envoyé spécial à Rennes
Festival Mythos – 25e Édition
Parc du Thabor
Rennes
Crédit photos ©Jean-Adrien Morandeau © DR, © I Mathie & © Alex Brenner