Ce jeudi 21 avril, à l’âge de 80 ans, Jacques Perrin, le Prince charmant, s’en est allé en perm à Nantes, définitivement. Acteur et producteur, il aura marqué le cinéma de son empreinte carbone, celle du cœur et de la générosité. Au revoir, Monsieur, et merci pour tout.
Malgré le soleil qui brille en cette fin de journée, nos cœurs sont chagrins. Il est impensable que celui qui a représenté, pour bien des générations, l’idéal masculin du Prince charmant dans Peau d’âne, celui qui fut le doux Maxence rêveur des Demoiselles de Rochefort, deux films culte de Jacques Demy, ne soit plus parmi nous. Résumer la carrière de ce magnifique acteur à ces deux prestations serait injuste. A la manière de Perec, si l’on égrène les Je me souviens, la liste des films serait longue. Je me souviens de Z, de Section Spéciale de Costa Gavras, du Désert des Tartares de Valério Zurlini, du Crabe-Tambour de Pierre Schoendoerffer, des 40e Rugissants de Christian de Chalonge, de Cinéma Paradisio de Giuseppe Tornatore.
Un enfant de la balle
Avec un père régisseur et une mère comédienne, il est tombé tôt dans le métier. A 17 ans, il entre au Conservatoire d’art dramatique et en sort très vite pour se produire sur les planches. Sa carrière théâtrale est brève car le cinéma a vite mis la main sur ce beau jeune homme. De 1957 à 1962, il a joué dans cinq pièces, dont L’année du Bac de José-André Lacour, mise en scène par Yves Robert. C’est grâce à ce spectacle, qui connut un gros succès, qu’il se fit remarquer. A partir des années 1960, il enchaîne les films, promenant, toujours dans une grande sincérité, sa belle silhouette, son doux regard, son sourire désarmant, son élégante prestance. Même lorsqu’il interprète le méchant de l’histoire, comme dans la série télévisée de Frédérique Hébrard et Louis Velle, Le Château des Oliviers, il reste attachant, montrant toutes les blessures de son personnage. Il est une vedette de cinéma mais ne sera jamais star, cela ne l’intéressait pas.
Au cœur des hommes et de la planète
Très tôt, il s’est mis au service des autres en devenant producteur. Sans lui, Z n’aurait jamais vu le jour ! Il n’avait que 28 ans ! On lui en doit, des beaux films, comme L’Himalaya l’enfance d’un chef d’Eric Valli ou Les Choristes de son neveu Christophe Barratier. Il a défendu des documentaires dans lesquels il mettait en lumière notre planète et les animaux qui l’habitent, Microcosmos et Le peuple migrateur. En amoureux et connaisseur du cinéma, il nous a offert cette merveilleuse émission culturelle comme on n’en fait plus à la télévision, La 25e heure, et ce film magnifique sur Les enfants de Lumière.
Un être délicieux
L’Italie, où il tourna beaucoup, étant comme sa deuxième patrie, il adorait se rendre au restaurant La Sardaigna, sur le boulevard des Batignolles. Je le croisais souvent sans jamais oser lui parler. Et puis, un soir, alors que j’étais attablée à la terrasse en train de parler avec Gianni, le patron, il sort et passe devant nous. Il était en grande négociation avec son plus jeune fils qui, désirant obtenir quelque chose, s’était adressé à son père avec véhémence. Un cri était alors sorti de mon cœur : Non, on ne parle pas comme ça au Prince Charmant. Il s’était retourné sur moi surpris. Plongeant ses beaux yeux dans les miens, m’offrant son merveilleux sourire, il m’a remercié ! Et moi, j’étais aux anges. Habitant le même quartier, nous nous croisions souvent et devisions parfois. Il était si doux, si attentionné ! La dernière fois que je l’ai vu, c’était juin 2021, dans un restaurant italien, bien évidemment. On percevait bien qu’il était fatigué. Je l’ai regardé partir mais je ne pouvais pas songer que ce serait pour la dernière fois. Aujourd’hui on pense à sa famille, à ses amis. Et on se dit que ces œuvres sont là, et qu’il n’est pas définitivement parti.