Pour les soirées printanières, le théâtre de Poche Montparnasse choisit le divertissement avec Mais n’te promène donc pas toute nue ! et autres Feydeau en poche, un spectacle rondement mené par la metteuse en scène Anne-Marie Etienne et une distribution enlevée.
Monter Feydeau n’est jamais une mince affaire ! C’est une question de rythme et de sens. Son théâtre n’est pas de l’ordre de la pochade. N’oublions pas que derrière le ton léger de ses comédies, qu’elles soient longues ou courtes, l’auteur trace un portrait grinçant de la société et des bourgeois du XIXe siècle. Anne-Marie Etienne aime l’écriture extrêmement précise et musicale de ce grand auteur et cela se ressent dans la manière dont elle a abordé ce spectacle.
L’ivresse des mots
La metteuse en scène a choisi de commencer logiquement par ce que l’on appelait à l’époque des levers de rideaux, à savoir de savoureux monologues. Trois hommes sirotent leur whisky dans un bar cosy. On comprend bien qu’ils n’en sont pas au premier. C’est souvent dans l’ivresse que les grands discours se font entendre. Le premier (Dominique Parent) évoque tous ces gens Célèbres qui ne l’auraient pas été sans lui, le second (Manuel Le Lièvre) se dit Homme intègre et le troisième (Léonard Bertrand) être Un homme qui n’aime pas les monologues ! Ils sont les ancêtres de ceux qui déversent sur les réseaux sociaux des opinions que personne ne leur a demandé d’exprimer. C’est truculent !
Je suis comme je suis
Puis arrive l’indémodable Mais n’te promène donc pas toute nue ! Anne-Marie Etienne n’a pas cédé à l’appel de la facilité, en tirant sur la corde du ton boulevardier. Elle s’est intéressée à? ce qui nourrit ses personnages, qui se débattent avec la vie et ses contradictions. Ce qui les rend touchant. Ainsi Clarisse n’apparaît pas comme une fofolle écervelée mais comme une ingénue qui ne voit pas pourquoi elle ne se mettrait pas à son aise, alors qu’il fait 36 degrés de latitude dehors ! Cela lui apparait tout à fait normal de se promener dans la maison en déshabillé son chapeau sur la tête, devant son mari, son fils de 13 ans, son valet, le maire Hochepaix et le voisin Clémenceau. Clarisse apparaît alors comme une femme mariée très jeune, sans autre éducation que celle des bonnes sœurs et de son mari. Elle est naturelle et sans chichi.
Une troupe au diapason
Formidable et subtile, Marie Torreton donne une belle humanité à cette femme-enfant, bien moins bête que son mari voudrait le croire. Manuel Le Lièvre possède cette fièvre de jeu qui sied bien au théâtre du maître du vaudeville. Il est impayable en député Ventroux totalement dépasser par les lubies de son épouse. Dominique Parent se délecte des travers du pompeux industriel Hochepaix. Jouant de son immense taille, Léonard Bertrand est un valet paresseux très étonnant. Sans jamais forcer le trait, dans un élan joyeux, ils nous proposent une version fort agréable de ce grand classique que l’on a toujours plaisir à déguster.
Marie-Céline Nivière
Mais n’te promène donc pas toute nue ! et autres Feydeau en Poche
Théâtre de Poche Montparnasse
75 boulevard du Montparnasse 75006 Paris
Du 12 avril au 30 juin
Du mardi au samedi à 21H, dimanche à 15h
Durée 1h10
Mise en scène d’Anne-Marie Etienne
Avec Manuel Le Lièvre, Marie Torreton, Dominique Parent, Léonard Bertrand.
Assistante à la mise en scène Amélie Vanrenterghem
Scénographie de Nicolas Sire
Costumes de Florence Emir
Lumières de Laurent Castaingt
Crédit photos ©Pascal Gély