Ce lundi 11 avril 2022, Claude Véga s’en est allé, à l’âge de 91 ans, retrouver ses chères victimes au paradis des artistes. Il avait donné à l’imitation ses lettres de noblesse. Adieu l’artiste et merci pour tout !
Claude Véga est pour moi rattaché aux grands bonheurs télévisuels de mon enfance et de mon adolescence. Dès qu’il passait dans une émission de variétés, la plupart du temps celle des Carpentier, mon père nous intimait le silence. Et c’est donc religieusement que nous regardions les prestations de l’artiste. Enfin, religieusement, c’est vite dit, tant les éclats de rire envahissaient alors le salon. J’étais fascinée par ses prouesses, par sa manière bien à lui de croquer les artistes qu’il imitait. Son sens de l’humour, si fin et pertinent, me réjouissait. Il appartient à mon panthéon personnel où se trouvent tous ceux qui m’ont nourri et donné l’envie de vivre pour et par le théâtre.
Dans la peau des autres
L’artiste n’était pas un simple imitateur. Dans l’esprit des cabarets, il se glissait dans la peau des personnes qu’il interprétait toujours avec une certaine tendresse. Il me suffit de penser à elles pour me transformer en elles. Un détail, un défaut, une manière de parler et je les attrapais. Les femmes étaient sa spécialité. Cela lui permettait des travestissements et des transformations incroyables. Ses victimes l’adoraient. Comment ne pas oublier ses prestations en Jacqueline Maillan, Maria Callas, Zizi Jeanmaire, Juliette Gréco, Annie Girardot, Alice Sapritch, Edwige Feuillère, Nana Mouskouri, Zouk, Delphine Seyrig et surtout Barbara… Il a tellement marqué, que Michel Fau s’en inspira lors de son spectacle L’Impardonnable revue pathétique et dégradante de Monsieur Fau au Rond-Point. Il était tout aussi bon dans le registre masculin, Aznavour, Polnareff, De Funès, Montand, Dutronc…
Des rires, des larmes
Il était devenu imitateur dans les années 1950 pour pouvoir payer ses cours de comédies. Mais le succès fut tel qu’il le resta et fit très vite les premières parties des grandes vedettes comme Josephine Baker. Il était l’ami d’enfance de François Truffaut avec lequel il fit Les 400 coups dans le 9e arrondissement de Paris. Le réalisateur lui donna le rôle de l’inquiétant étrangleur dans Domicile Conjugal. A la fin des années 1980, il décida d’en terminer avec les imitations pour se consacrer au théâtre mais surtout à son autre passion le dessin. On peut retrouver dans son ouvrage L’intemporel aux Editions Ovadia. L’artiste aura marqué son époque et des générations par son talent. Aujourd’hui, pour la première fois, il ne nous a pas fait rire. Mais grâce aux archives de l’Ina et autres, il est possible de retrouver ses prestations sur la toile. Ne vous privez pas d’aller les consulter, cela n’a pas pris une ride. Et le rire l’emportera sur la tristesse.
Marie-Céline Nivière
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