À peine sortie de l’École du Nord, époque Christophe Rauck, l’épatante Suzanne de Baecque fait des étincelles. Donnant la réplique à Georgia Scalliet dans la Seconde Surprise de l’amour de Marivaux, mis en scène par Alain Françon et bientôt en tournée au TNS, la jeune comédienne brûle les planches avec un naturel impayable, un jeu parfaitement ciselé et une folie douce singulière qui touche juste. Une vraie révélation !
Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
Quand j’étais toute petite, on passait tous les étés avec mes parents chez des amis à eux qui vivaient dans le sud, près d’Avignon. Ces étés sont des souvenirs magnifiques. Eux et mes parents formaient une bande d’amis très joyeuse. Ils passaient leur temps à faire la fête et créer des petits spectacles de théâtre. Aucun d’eux n’était acteur ou actrice, mais ils adoraient faire ça, pour eux. D’ailleurs, il n’y avait presque pas de spectateurs ou alors quelques voisins. J’étais fascinée de les voir, ils me donnaient souvent des petits rôles malgré mon jeune âge, cela me plaisait énormément.
Autre folie de mes parents, lors de mes 1 an, ils ont organisé un faux Baptême Druidique. Encore une occasion originale de faire la fête ! Ils avaient inventé toute une cérémonie ! Il y avait un Druide, ma mère était une nymphe et je portais une petite couronne de fleurs sur la tête… C’est peut-être ça mon premier souvenir de théâtre.
Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
Je crois que je dis depuis que j’ai 8 ans cette phrase : « Je veux être actrice ». C’est vraiment un désir très profond et depuis l’enfance.
Mais il y a quand même eu un spectacle qui a tout déclenché, c’est NOTRE TERREUR de Sylvain Creuzevault. J’étais en seconde au lycée, en option théâtre. On était allés voir le spectacle à La Colline. J’ai été fasciné par les acteurs, toute cette inventivité et leurs plaisirs de jouer. Mais aussi, et surtout, comment des jeunes gens s’interrogent devant nous par le biais du théâtre sur leur rapport à la politique et à notre propre Histoire.
Je suis ressortie de la salle très émue, j’avais vu quelque chose d’essentiel. Cette phrase « je veux être actrice » résonnait encore plus fort. Mon rêve était devenu en une soirée plus concret.
Qu’est-ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédienne ?
Pour toutes les raisons énoncées plus haut.
Mais aussi, je crois, et c’est malheureusement un peu cliché, parce que c’est le seul endroit où je me sens vraiment à ma place. Jouer est vraiment mon moyen d’expression.
Je ne sais pas chanter, je ne fais pas de musique, je ne cuisine pas encore très bien, je ne sais pas prendre de photos, … même quand j’écris, j’ai besoin de passer d’abord par le plateau ou l’improvisation.
Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
Et bien, je suis en train de le vivre mon premier spectacle ! Ma première grande histoire !
C’est la Seconde surprise de l’amour de Marivaux, mise en scène par Alain Françon. Ce ne sont pas encore des souvenirs, mais c’est une grande joie ! Hier, c’était notre 76e à la Comédie de Colmar. Avec ce projet, j’ai vraiment l’impression d’apprendre énormément. Chaque instant est une découverte, une surprise.
Votre plus grand coup de cœur scénique ?
Il y en a plusieurs.
Mais il y en a un, qui est assez marquant :
Découvrir Laure Calamy dans Au moins j’aurais laissé un beau cadavre de Vincent Macaigne.
Elle est arrivée sur scène et BAAMM ! Elle avait un jeu d’une générosité inouïe, tout en grâce et en fureur. C’est une actrice importante pour moi. En la voyant jouer je me suis dit « alors c’est possible d’ÊTRE comme ça sur scène, c’est possible d’être libre ». Son expressivité me donne de la force.
Quelles sont vos plus belles rencontres ?
Alain Françon.
On s’est rencontrés à l’école du Nord autour d’un travail sur les Pièces de guerre de Bond. Et la rencontre a été foudroyante. Coup de foudre. J’ai été passionné immédiatement par sa manière de travailler, son rapport aux acteurs et au théâtre plus globalement. Avec lui, j’ai l’impression de mener une enquête sur la langue, sur sa matérialité et sur son sens. On ne pense plus à son petit « soi », mais on pense à faire émerger le sens d’une œuvre. Son travail recentre, il est sensible, délicat et humble. Il lui ressemble.
Le texte de Marivaux a été une manière de rencontrer une nouvelle fois Alain et son travail, et c’est très précieux pour moi. Un vrai cadeau.
En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
Il m’équilibre, car c’est une passion. Alors ça me fait avancer, je pense.
Qu’est-ce qui vous inspire ?
Tout ce que je vois, les expériences que je vis et les gens que je rencontre.
À chaque fois qu’il m’arrive un truc, j’ai envie d’en faire quelque chose.
Je m’intéresse beaucoup à Sophie Calle en ce moment, ça a peut-être un rapport. Haha !
De quel ordre est votre rapport à la scène ?
Je prends la scène comme un lieu d’expérimentation.
À quel endroit de votre chair, de votre corps, situez-vous votre désir de faire votre métier ?
Je pense que ça dépend des rôles. Que le désir se déplace.
Pour Lisette, je dirais dans les mains et dans les jambes.
Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
Et bien Sophie Calle, par exemple !
Je suis également très sensible au travail de Séverine Chavrier, une autre belle rencontre.
Je suis aussi attirée par le cinéma et j’aimerais beaucoup tourner avec une artiste comme Sophie Letourneur par exemple.
Et puis j’aimerais retravailler avec Alain Françon.
À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
Un slasher Movie. Genre Massacre à la tronçonneuse.
Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
La reine des pommes de Lio, peut être ?
Olivier fregaville-Gratian d’Amore
La Seconde Surprise de l’amour de Marivaux
Mise en scène d’Alain Françon
création le 22 septembre 2021 au Théâtre du Nord
durée 1h50
Tournée
du 24 mars au 1er avril 2022 au Théâtre national de Strasbourg
du 6 au 9 avril 2022 au Théâtre Jeu de Paume – Aix-en-Provence
du 13 au 16 avril à La Comédie de Saint-Étienne – centre dramatique national
les 26 et 27 avril 2022 au Théâtre du Beauvaisis – scène nationale de Beauvais
Crédit portrait © Jean-Louis Fernandez