Au Studio Hébertot, Bénédicte Bailby et Pascal Faber mettent en scène la très belle pièce d’Isabelle de Toledo, Sur un air de Tango, offrant ainsi à Michel Papineschi et à Damien Boisseau un magnifique et bouleversant pas de deux entre un père et un fils.
Cet air de tango nous est familier, car il fait résonner des choses de la vie. Son tempo est donné par le temps qui passe. Quant à ses pas, ils se règlent sur le fameux air du « J’essaye de mener ma vie du mieux que je peux ! » Mais comme la partition de la vie n’est pas toujours facile à suivre, il y a des faux pas. C’est dans cet esprit qu’Isabelle de Toledo a écrit la chronique fort émouvante d’un homme qui se retrouve à un tournant de sa vie. Pierre, la quarantaine, travaille dur dans son petit restaurant, pour que sa femme et ses enfants ne manquent de rien. Le hic, c’est qu’il a perdu de vue l’essentiel : sa présence. Du coup, son épouse le quitte et il perd pied. Une histoire ordinaire, somme toute assez banale. Or l’autrice fait intervenir un deuxième personnage, le père.
Mon père, cet adorable casse-pieds
La relation père et fils, telle qu’elle est proposée dans ce spectacle, est le sujet principal. Ce n’est pas facile de devenir le « père » de son père. C’est pourtant ce qui arrive lorsque les parents vieillissent et que l’enfant devient adulte. C’est à son tour de s’inquiéter et de gronder, de réprimander. Max, moins raisonnable, semble plus libre et donc plus jeune que son fils. Il aime danser, faire le beau, prendre la vie comme elle vient. Il a raison, il sait que la fin et proche, alors autant en profiter. S’il n’apporte pas des solutions à son rejeton, il lui permet au moins de trouver des forces pour affronter son futur. C’est son devoir !
Un duo au diapason
A la création en 2005 de la pièce au Poche Montparnasse, Max et Pierre étaient tenus par Etienne Bierry et Olivier Marchal. Aujourd’hui, c’est au tour de Michel Papineschi et Damien Boisseau de se glisser dans ces beaux rôles. C’est avec beaucoup de tendresse et d’humour qu’ils interprètent ce face-à-face filial. Il règne entre eux une belle complicité qui répond en écho au texte d’Isabelle de Toledo. Michel Papineschi est épatant en Max, éternel jeune homme se rêvant d’être Fred Astaire pour un dernier tour de piste. Même si son fils lui reproche son égocentrisme, on aimerait bien l’avoir comme père tant il est attachant et pertinent, le vieux. Passant de la raideur de la colère à la souplesse de celui qui baisse les armes, Damien Boisseau a trouvé le ton juste pour incarner les failles, et elles sont nombreuses, de son personnage. Il ne faudrait pas oublier la touche féminine, Chloé Froget, qui, tout en douceur, apporte une belle facture à cette femme lassée d’attendre.
Après la pluie vient le beau temps
Dans le décor très réaliste d’un bistrot de bord de mer, Bénédicte Bailby et Pascal Faber déroulent l’action au gré du temps qui passe. Les protagonistes évoluent avec aisance dans cette mise en scène très naturaliste, qui a pour parti pris de nous raconter une histoire, et nous laisser prendre par elle. Par rapport à la première version, ils ont choisi d’ouvrir la fin sur une note plus optimiste où Pierre peut croire en des lendemains qui chantent. Ce spectacle basé sur ces liens familiaux que l’on tisse, sur la trame du quotidien, tout au long de sa vie, est bouleversant.
Marie-Céline Nivière
Sur un air de tango d’Isabelle de Toledo
Festival Avignon Off – Buffon / Quartier Luna
18 rue Buffon 84000 Avignon
Du 7 au 30 juillet 2022 à 21h30, relâche les 10, 17, 24 juillet
Durée 1h25.
Studio Hébertot
78 boulevard des Batignolles 75017 Paris
Du 1er mars au 25 mai 2022
Les mardis et mercredis à 19h, relâche les 22 mars et 24 mai.
Mise en scène de Bénédicte Bailby et Pascal Faber
Avec Damien Boisseau, Chloé Froget, Michel Papineschi
Décor de Cynthia Lhopitallier et L’arrondi
Lumières de Sébastien Lanoue
Costumes de Cynthia et Madeleine Lhopitallier
Musique de Lionel Losada
Crédit photos © Pascal Faber