En 1999, au théâtre de l’Aquarium, avec Biographie : un jeu de Max Frisch, Frédéric Bélier-Garcia signait son premier spectacle entrant ainsi dans le sérail des grands metteurs en scène. 2022, se jouant du temps, il reprend ce magnifique texte au Rond-Point, dans une version toute aussi réjouissante que la première.
En reprenant sa mise en scène de 1999, à la différence de l’auteur, Frédéric Bélier-Garcia ne décide pas de refaire un choix. A part les comédiens qui ont changé, une scénographie plus riche de moyen, on retrouve tout ce qui avait fait le succès de ce spectacle. Pour aborder à nouveau l’oeuvre de Frisch, le metteur en scène a utilisé ce que la maturité et l’expérience ont apporté à sa vision des choses de la vie. A ceux qui ont vu sa première version, il propose un exercice de style passionnant. Car pour nous aussi le temps a fait son œuvre modifiant notre appréhension du texte. Quant à ceux qui ne l’avait pas vue, découvrant toute la richesse de cette pièce, cela ne change rien.
Et si tu n’existais pas…
Imaginez que vous avez la possibilité de changer le cours de votre vie après la mort. Que choisir dans tous ce qui vous ait arrivé dans votre existence ? Quel instant ,quelle décision , quelle rencontre auraient fait d’elle autre chose ? Bonne question. La réponse n’est pas facile. Pour Bernard Kürmann, il n’y a aucun doute. Il pense que son malheur vient de sa rencontre avec sa femme, Antoinette Stein. A l’écouter, on se demande bien pourquoi. Un homme étrange, accompagné de son staff, va l’aider à ne pas faire entrer Antoinette dans sa vie. De tentative en brouillon, de doute en certitude, la biographie de Kürmann finira bien par changer, mais pas comme il l’espérait.
Jeu d’acteurs
La pièce est magnifique. Les scènes se répètent sans se ressembler. Les personnages ont du caractère. Les situation sont bien exploitées, l’amour, la haine, le désespoir, sans oublier l’humour. Bélier-Garcia a choisi des acteurs aux caractères bien trempés. C’est une des grandes magies du théâtre, ce plaisir toujours renouvelé, un texte, des interprètes différents. Chacun apportant ce qu’il est, son parcours et sa sensibilité.
Donc après François Berléand, Emmanuelle Devos et Eric Elmosmino, c’est au tour de José Garcia, absent depuis longtemps de la scène, Isabelle Carré et Jérôme Kircher d’endosser ces rôles forts et riches en émotions. La délicieuse et délicate Isabelle Carré et l’exceptionnel Jérôme Kircher sont formidables, comme d’habitude osons nous rajouter. Quant à José Garcia, en ce soir de première, s’il était encore un peu à l’étroit dans son rôle, on prédit aisément qu’il va vite y trouver ses aises. Car le personnage de Bernard, plein de contrastes et de contradictions, lui va à ravir. N’oublions pas de citer, Ana Blagojevic et Ferdinand Régent-Chappey en assistants zélés et débrouillards.
Façon puzzle
Quand à la mise en scène de Frédéric Bélier-Garcia, elle a gardé sa belle fluidité. S’appuyant sur une scénographie assez impressionnante d’Alban Ho Van, jouant avec le décor mouvant, il met en place les pièces de ce puzzle, au rythme des changements que souhaite le héros. Visuellement c’est très impressionnant. Si à la première version nous avions découvert toutes les promesses d’un grand avenir pour Bélier-Garcia, aujourd’hui on sait qu’il appartient à la cour des grands metteur en scène de son époque. Un beau texte, de bons comédiens, une mise en scène inventive, sont les ingrédients qui font de ce spectacle un pur moment de bonheur.
Marie-Céline Nivière
Biographie : un jeu de Max Frisch
Théâtre Marigny
Carré Marigny
75008 Paris
Du 17 janvier au 17 mars 2024.
Durée 1h50.
Théâtre du Rond-Point
2bis avenue Franklin D. Roosevelt 75008 Paris
Du 8 mars au 4 avril 2022
Mise en scène de Frédéric Bélier-Garcia
Avec José Garcia, Isabelle Carré, Jérôme Kircher, Ana Blagojevic, Ferdinand Régent-Cappey, et au piano Simon Froget-Legendre ou Tristan Garnier
Collaboration artistique de Caroline Gonce
Décors d’Alban Ho Van
Assisté de Jeanne Fillion
Lumière de Dominique Bruguière
Assistée d’Anne Roudiy
Costumes de Marie La Rocca
Assistée de Noémie Reymond
Traduction de Bernard Lortholary
Crédit photos © Giovanni Cittadini Cesi