Benoit André © DR

Benoît André redessine les frontières des Vagamondes 

À La Filature de Mulhouse, Benoît André a ouvert, le 15 mars 2022, la 10e édition du festival les Vagamondes.

À La Filature de Mulhouse, Benoît André a inauguré, le 15 mars 2022 les Vagamondes. Face au conflit qui sévit aux portes de l’Europe, à l’évolution de la notion de frontières dans le monde d’aujourd’hui, il propose une dixième édition transitoire plus en lien avec l’actualité et les changements profonds qui bouleversent nos sociétés. Rencontre. 

Quel est l’ADN des Vagamondes ? 

Coyote de Patrice Thibaud © Sandy Korzekwa

Benoît André : On fête cette année la dixième édition du festival. Et si on met de côté celle de l’an passé qui fut surtout numérique, c’est ma première « vraie » programmation. Les contraintes sanitaires étant moindre et l’accueil du public étant possible sans restriction, j’ai imaginé une édition de transition. Le projet de ma prédécesseure, Monica Guillouet-Gélys, était surtout tourné vers les cultures du Sud. C’était lié à son histoire. Je souhaite l’élargir et l’ouvrir à d’autres horizons. L’objectif n’est pas du tout de tout casser, de tout défaire, mais bien d’en faire évoluer l’ADN, de lui donner une dimension tout autre. Je me suis donc appuyé sur la polysémie que renferme le terme Vagamondes pour en modifier légèrement les contours. Ainsi, et c’est l’essentiel, j’ai voulu que cette manifestation ancrée dans l’esprit des Mulhousiens reste un moment de partage, de dialogue, de débats et de confrontations avec d’autres cultures, d’autres histoires. Ainsi, un peu plus d’une semaine durant, nous réunissons à La Filature des artistes venant non seulement d’univers différents mais aussi de pays différents. Nous leur permettons de se rencontrer, d’échanger. Ce qui nous permet aussi d’imaginer en parallèle des spectacles, de proposer de faire tout un travail d’accompagnement en sciences humaines et d’élargir à des questions géopolitiques. 

Quelle est la spécificité que vous souhaitez donner aux prochaines éditions ? 

HUANG YI KUKA © Summer Yen

Benoît André : Je crois que l’important est de garder à l’esprit que les Vagamondes est un festival sans frontières. L’idée est donc de réfléchir à ce que cela signifie aujourd’hui et de dépasser la notion simple de géographie. Le monde a changé, il existe d’innombrables autres barrières, autres limites, certaines sont symboliques et font débat dans nos sociétés contemporaines, d’autres sont en train d’être franchies notamment pour respecter notre planète. Il y a actuellement dans le monde des points de rupture, des moments de bascule qui vont changer nos modes de vie, notre manière d’appréhender le futur. C’est toutes ces notions-là que je souhaite qu’on aborde à l’avenir. Dans l’édition qui va débuter le 15 mars, nous allons avec Pour Autrui de Pauline Bureau, évoquer la GPA, avec le duo Huang Yi & KUKA notre rapport aux machines, par exemple. 

Y  aura-t-il à l’avenir une thématique à chaque édition ? 

Spectrographies © SMITH

Benoît André : En effet, j’aimerais que chaque festival ait une ligne rouge sur une de ces questions qui fait débat dans nos sociétés. En 2023, le genre sera central dans les propositions artistiques que nous présenterons. Dans cette optique, nous avons décidé de collaborer avec le photographe SMITH, un artiste dans la mouvance de Paul Preciado. Il présentera à cette occasion son travail sur le transgenre. J’ai eu la chance de le découvrir à Arles cet été, lors des Rencontres photographiques, qui lui avaient consacré sa première grosse exposition monographique. Un avant-goût de ses œuvres sera déjà visible dans nos murs au cours de cette 10e édition. En effet, nous souhaitions présenter une première étape de son projet Désidération qui s’appuie sur le fait que l’homme a perdu sa connexion avec le cosmos, et qu’il est important voire nécessaire pour son équilibre qui le retrouve. 

Comment s’articule cette 10e édition ? 

Tünde de Tünde Deak - © Christophe Raynaud de Lage

Benoît André : Ce n’a pas été simple de faire la programmation. En raison de la crise sanitaire, les voyages ont été particulièrement empêchés. Je me suis donc concentré sur la volonté de faire une sorte d’état des lieux de ce qui devrait nourrir les prochaines éditions, un panorama des sujets d’actualités qui font débat. Évidemment, ce n’est absolument pas exhaustif, mais cela permet de jeter les bases des futurs rendez-vous. Par ailleurs, je tenais à ce que la forme ne s’arrête jamais devant le fond, que tous les arts soient représentés, que ce soit la danse, la musique, le théâtre, la vidéo mais aussi le numérique. 

Pouvez-vous nous en dire plus ? 

Angelique Kidjo © Etienne Tordoir MusicBelgium

Benoît André : Nous débutons le 15 mars la programmation avec une forme festive et conviviale, un concert, intitulé Le Cabaret de l’Espace, qui réunira au plateau Sofiane Saidi, Malik Djoudi, Oum, Flèche Love & Acid Arab. Nous poursuivrons avec deux spectacles autour de la notion de la suppression du sommeil, qui s’inspire de l’œuvre d’un auteur américain. L’un est porté par Fabrice Murgia et Laurent Gaudé, avec La dernière nuit du monde, et l’autre par le collectif In Vivo, avec 24/7, un spectacle en réalité virtuelle. Nous avons aussi souhaité aborder la question du mensonge et des fakes news, à travers L’homme qui tua Mouammar Kadhafi de Superamas, où un journaliste – en l’occurrence Alexis Poulin – reçoit dans son émission un ancien officier de la DGSE, prêt à dévoiler tout ce qu’il sait. Le spectacle pose la question du réel et de la fiction. En parallèle, Patrice Thibaud explore les identités amérindiennes avec son spectacle Coyote, Tünde Deak part à la rencontre de ses origines hongroises dans une pièce autobiographique qui fait écho aux événements ukrainiens et l’artiste turque Hatice Özer s’intéresse à la transmission culturelle à travers Le chant du père. Enfin l’édition se terminera le 26 mars en beauté avec un concert d’Angélique Kidjo, qui revisite notamment des œuvres de Philip Glass, de Sidney Bechet, de Santana et de Gershwin.

Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore 

Les Vagabondes 10e Édition
LA filature – scène nationale de Mulhouse
Du 15 au 26 mars 2022

Crédit photos © DR, © Sandy Korzekwa, © Summer Yen, © SMITH, © Christophe Raynaud de Lage ,© Étienne Tordoir

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