Au théâtre 14, après l’avoir crée à l’Atelier de Paris en septembre 2020 dans le cadre du Festival d’Automne à Paris, Fanny de Chaillé présente Chœur, œuvre imaginée dans le cadre du dispositif Talents Adami Théâtre, où s’entrecroisent, se conjuguent et se répondent les pensées, les actes, les récits de dix jeunes comédiennes et comédiens. Une gourmandise artistique des plus savoureuses.
Pieds nus, les dix talents Adami Théâtre, promotion 2020, entrent sur scène. Ils envahissent l’espace, se l’approprient, en font vibrer les moindres recoins. Ils forment une entité où chaque geste, chaque mot de l’un se répercute aussitôt dans la chair, dans le corps du groupe. Évidence ou nécessité, ils sont tous reliés par le même désir, la même volonté, la même pulsion de jouer, de parler du temps présent, du rapport aux autres, de l’état de nos sociétés contemporaines. À la manière de l’effet papillon, tous sont impactés par les récits, les mouvements, les actions de l’autre. C’est troublant, jubilatoire.
Fanny de Chaillé, maitresse de cérémonie
Depuis 24 ans, maintenant, l’Adami propose à travers le dispositif, talents Adami, de mettre en lumière de jeunes comédiennes et de jeunes comédiens au tout début de leur carrière. Chaque année, l’organisme qui gère les droits des artistes et musiciens interprètes invite une metteuse en scène ou un metteur en scène à créer une pièce pour ces acteurs en herbe. Après Gwenaël Morin en 2019 et avant Pascal Rambert en 2021, c’est Fanny de Chaillé, performeuse et chorégraphe, qui prend les rênes de cette troupe éphémère, dont elle a sélectionné avec beaucoup d’attention, d’humanité chacun des membres. Entremêlant mémoires collectives et souvenirs personnels, elle tisse un récit à plusieurs voix s’inspirant de Divers chaos de Pierre Alferi.
De l’individu au groupe
Face public, les dix artistes – Marius Barthaux, Marie Fleur Behlow, Rémy Bret, Adrien Ciambarella, Maud Cosset-Chéneau, Malo Martin, Polina Panassenko, Tom Verschueren, Margot Viala et Valentine Vittoz – se tiennent droits comme des i, tous différents, tous éléments d’une même ligne, d’un même corps. L’une (lumineuse Margot Viala) lance les hostilités, les premiers mots, et c’est tout le groupe qui réagit. Elle se souvient de ce jour noir de septembre, où deux avions ont percuté les tours jumelles du Word Trade Center à New-York. Était-elle née ? A-t-elle vraiment vécu ce moment suspendu où la terre s’est arrêtée de respirer ? Cela n’a finalement pas d’importance. Tout réside dans la manière dont le collectif s’empare du sujet brûlant des attentats. Comment à coups de surenchère d’anecdotes, chacun tente d’attirer la lumière à soi jusqu’au ridicule pour finalement s’apercevoir que c’est dans le faire ensemble que l’humain est plus fort, que le talent se révèle et s’épanouit.
Chants fusionnels
Très vite, d’autres histoires plus intimes, plus personnelles, prennent le pas sur l’universel, sur les fragments de la mémoire collective. Valentine (Vittoz), sort du rang prend la parole, raconte comment une panne d’électricité, somme toute anodine, va entraîner une série de rencontres, d’événements qui ne vont certes pas changer le cours de sa vie, mais en moduler les contours. Loin d’être inerte, les neuf autres artistes se plient en deux, en quatre, pour donner vie à ce récit. L’un devient sofa, un deuxième radio, un troisième et une quatrième une commode.
Une course de relais
Puis, tout s’enchaîne à la manière d’une course de relais verbale, théâtrale, chacun devient le porteur d’un récit, la voix du groupe que ce soit par les mots, les réminiscences d’une aventure vécue, la prise de MDMA, la rencontre lors d’un camp de vacances avec John Lennon, ou tout simple l’irrépressible besoin de laisser s’exprimer son corps, de le laisser entrer en résonnance avec les sons technos pop pulsés à fond. La magie opère vibrante, palpitante. Tous, individuellement et conjointement, évoquent le monde d’aujourd’hui avec ses forces, ses faiblesses, brûlent les planches du théâtre 14. Un collectif est-il né sous nos yeux ? L’avenir le dira. On leur souhaite en tout cas de réaliser leurs rêves et de continuer à nous emporter par leur fougue, leur vitalité, dans un ailleurs détonant !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Le Chœur d’après Et la rue extrait de l’ouvrage divers chaos de Pierre Alferi publié aux Éditions P.O.L.
Une création de Fanny de Chaillé
Théâtre 14
20 avenue Marc Sangnier
75014 Paris
Durée 1h00
Mise en scène Fanny de Chaillé
Avec la promotion 2020 des Talents Adami Théâtre :
Marius Barthaux, Marie Fleur Behlow, Rémy Bret, Adrien Ciambarella, Maud Cosset-Chéneau, Malo Martin, Polina Panassenko, Tom Verschueren, Margot Viala et Valentine Vittoz
Crédit photos © Marc Domage