Après avoir présenté La Nuit, pièce récompensée en 2015 au Festival Impatience, au Théâtre 13 en décembre dernier, Guillaume Barbot revient à la Tempête avec une adaptation musicale d’Alabama Song de Gilles Leroy, une évocation de la folle vie de Zelda Fitzgerald. Rencontre avec un metteur en scène qui entremêle intensément les arts vivants.
Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
Le premier bon souvenir ?
Mes souvenirs de théâtre amateur, notre troupe à Fontainebleau quand j’étais lycéen, notre envie de nous retrouver dans un local un peu triste pour jouer des scènes contemporaines, notre peur d’avoir un trop petit rôle dans la pièce de fin d’année, notre trac pour le copain qui doit lancer la pièce le soir de la première, les baisers volés en coulisse, les baisers ratés surtout, le chargement et le déchargement des décors avec un parent qui nous aide avec son break, l’odeur de la nuit quand on rentre chez nous un peu tard.
Sinon, en tant que spectateur, La Face Cachée de la Lune de Robert Lepage où je reste cloué sur mon siège sans parler pendant dix minutes après les applaudissements à ne pas comprendre ce qu’il vient de m’arriver.
Mais si je veux être honnête, mon vrai premier souvenir d’art vivant, ce n’est pas du théâtre… C’est un concert, mon père, journaliste de musique, m’emmenait partout avec lui. Je me souviens, j’ai 8 ans, je suis au concert de James Brown et je m’endors sur ses genoux dès le deuxième morceau…
Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
Le hasard, pour démarrer. J’accompagne ma marraine qui me fait visiter un bureau de production de cinéma. Je ne sais plus pourquoi on prend un polaroïd de moi. Quelques mois plus tard, on téléphone à mes parents (j’ai 12 ans), on prétend avoir trouvé ma photo avec mon numéro, je corresponds à un rôle qu’ils recherchent, ils souhaitent me rencontrer, j’y vais, je n’y connais rien, je n’ai jamais joué, jamais pensé à jouer, et je tourne finalement dans ce court-métrage qui ne sortira jamais sur les écrans. En rentrant, je dis que je veux faire du théâtre dans le cours de mon village. À partir de là, j’ai continué, continué, et petit à petit comme une évidence, j’ai senti que c’était là que j’étais bien… J’ai juste arrêté de jouer après avoir fait une école à Paris (franchement, je n’étais pas très bon) et je me suis lancé dans la mise en scène.
Qu’est ce qui a fait que vous avez choisi d’être metteur en scène ?
J’ai choisi d’être metteur en scène parce qu’en tant qu’acteur j’étais insupportable, je voulais tout le temps imposer mes idées, me mêler de tout et de n’importe quoi. Il fallait que je prenne la parole sans couper celle des autres…
Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
Ma première mise en scène était un spectacle jeune public sur un petit garçon de 4 ans qui perdait le sourire… personne n’arrivait à comprendre ce qui pouvait bien lui arriver… jusqu’à ce qu’on découvre qu’il avait son premier chagrin d’amour. J’ai adoré faire ce spectacle. Je n’y connaissais rien. J’avais envie de marionnette, de théâtre d’objet, de création sonore… J’ai mis toutes mes économies pour payer une équipe qui allait m’entourer. On travaillait dans le garage de la grand mère du comédien. J’ai beaucoup appris, tout de suite. On était directement dans le feu de l’action.
Votre plus grand coup de cœur scénique ?
Alain Platel. Beaucoup d’autres, mais avant tout Alain Platel.
Quelles sont vos plus belles rencontres ?
Toutes les personnes avec qui j’ai travaillé.
En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
Je suis un hyper actif. Je mène trois à cinq projets en même temps. C’est ma façon d’être au monde. J’en ai besoin. J’ai besoin de travailler en famille, j’ai besoin de dire tout haut ce qui me bouleverse, j’ai besoin de me faire peur, j’ai besoin d’être épuisé mais en bande, j’ai besoin de m’endormir avec de la poésie dans la tête, j’ai surtout besoin de créer des rencontres, d’organiser des rencontres. Ca, ça me fait du bien. Et c’est la définition de metteur en scène, je crois…
Qu’est-ce qui vous inspire ?
La musique. La littérature. Mes enfants. Tout ce qui swingue.
De quel ordre est votre rapport à la scène ?
Intime.
À quel endroit de votre chair, de votre corps, situez-vous votre désir de faire votre métier ?
Les intestins.
Mais si c’est essentiel, ce n’est pas un organe vital. Je pourrais tout à fait ouvrir un restaurant et changer de vie, si le théâtre ne voulait plus de moi, ou si je ne trouvais plus rien à y dire. Et tant mieux. Ça m’allège.
Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
Loic Lantoine. Alain Platel bien sûr. Maiwenn. Kate Winslet. Mélanie Thierry. Lars Von Trier. Pierre Soulages.
Et Alain Bashung et Orson Welles une nuit d’insomnie…
À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
Un cadavre exquis d’une nuit où on aurait chacun et chacune un début et une fin imposé, où on se passerait le relais, où on prendrait chacun et chacune la parole avec des formes très différentes… Une nuit qui ne se jouerait qu’une fois…
Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
J’espère qu’elle ne le sera jamais…
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Alabama Song d’après le roman Gilles Leroy
Répétitions au Théâtre de la Tempête
Cartoucherie
rue du Champ-de-Manœuvre
75012 Paris
Mise en scène de Guillaume Barbot assisté de Stéphane Temkine
Avec Lola Naymark et les musiciens-acteurs Pierre-Marie Braye-Weppe, Louis Caratini, Thibault Perriard
Scénographie de Benjamin Lebreton
Lumières de Nicolas Faucheux assisté d’Aurore Beck
Costumes de Benjamin Moreau
Conception musicale collective, direction de Pierre-Marie Braye-Weppe
Son de Nicolas Barillot assisté de Camille Audergon
Regard chorégraphique de Bastien Lefèvre
Régie son Vincent Chabot
Crédit photos © Mathilde Delahaye et © OFGDA