La metteuse en scène Anne-Laure Liégeois a mis à profit cette longue et bizarre période qui bouleversa notre vie, le premier confinement. Au bout de la septième semaine de ces jours sans fins, elle imagina Fuir le fléau. Une aventure théâtrale qui se vit pleinement !
Fuir le fléau est une invitation à se retrouver au cœur même de la création, de ce qui fait battre le cœur de l’art dramatique, à savoir : un texte, des comédiens, un lieu. Anne-Laure Liégeois a donc commandé à des auteurs contemporains d’écrire de courts textes qui raconteraient : une histoire sur ce que l’on fuit pour le fuir mieux. Elle a demandé à sa garde rapprochée, les comédiens avec lesquels elle travaille régulièrement, de s’en approprier un. Jusque-là, tout paraît normal dans un processus de création. Mais la grande originalité du projet réside dans sa conception. La metteuse en scène a imaginé son spectacle comme un parcours dans un théâtre mais en dehors de la salle de spectacle. En raison des mesures sanitaires ce ne sont pas les spectateurs qui bougent, mais les comédiens !
Un spectacle pas comme les autres
J’ai assisté à une représentation de la pièce en octobre dernier à la Maison de la culture d’Amiens, en voici le déroulement. Les spectateurs, en petits nombres, sont regroupés dans le hall, chacun se voit attribuer une couleur, au nombre de six. Ensuite nous nous dirigeons vers le comédien portant un panneau à notre couleur. Pour mon groupe, c’est la délicieuse Anne Girouard qui nous guide dans les dédales du théâtre pour nous retrouver dans un lieu inhabituel pour les spectateurs, l’atelier où l’on construit les décors. Quelques chaises nous y attendaient. Une fois tous bien installés, la comédienne a laissé la magie du théâtre opéré avec Où fuir ? de Remi De Vos. Un texte fort drôle et subtil sur le cauchemar que fut le confinement pour un couple.
Une ronde d’artistes
Puis, elle a mis une musique et nous a laissés. Dans cette promiscuité inhabituelle, (chacun de nous se regardait) nous nous regardions, attendant la suite. Je ne me souviens plus de l’ordre, mais un comédien arriva, nous récita son texte, et fut remplacé par un puis un autre acteur. Il y eut Vincent Dissez avec Dans la nuit de Monténegrine d’Olivier Kemeid, Olivier Dutilloy avec Physique et mental de Jacques Serana, Isis Ravel avec La déposition de Rebecca Deraspe, Nelson Rafaell Mandel avec Punaise de Marie Nimier et Thierry Ilouz, Nora Krief avec Un ennemi invisible de Nelly Kaplan. Chacun avec talent a fait entendre les mots de ces auteurs, sur des thèmes variés comme l’évasion par l’imagination, l’éloignement, la lutte contre un fléau invisible, la mise en place de barrières volontaires et de Pyramides.
Intimité théâtrale
Chaque texte, d’une durée de dix minutes, nous est adressé comme une confidence. Ici plus de distanciation ! Il se tisse alors entre le spectateur et l’acteur une intimité. On se sent directement concerné par les propos et les émotions. D’autant que l’on comprend très vite, que si nous ne bougeons pas de nos chaises, les comédiens eux passent d’un endroit à l’autre et donc auront à dire cinq fois dans la même soirée le même texte. Cette forme immersive, conçue avec adresse par Anne-Laure Liégeois reçoit toute notre admiration.
Marie-Céline Nivière
Fuir le fléau spectacle conçu par Anne-Laure Liégeois
Du 10 au 12 janvier 2022 au Volcan – Le Havre
Du 13 au 15 janvier 2022 à l’Azimut – Antony Chatenay Malabry
les 21 et 22 mai 2022 à La Filature, scène nationale de Mulhouse
Durée 1h20
Textes de Nathalie Azoulai, Emmanuelle Bayamack-Tam, Arno Bertina, Valérie Cachard, Lise Charles, Rébecca Déraspe, Rémi De Vos, Thierry Illouz, Leslie Kaplan, Olivier Kemeid, Philippe Lançon, Scholastique Mukasonga, Valérie Manteau, Laurent Mauvignier, Marie Nimier, Jean-Marc Royon, Jacques Serena
Avec Vincent Dissez, Olivier Dutilloy, Anne Girouard, Norah Krief et en alternance Alvie Bitemo, Olivier Broche, Lorry Hardel, Nelson-Rafaell Madel, Isis Ravel
Photos Crédit © Christophe Raynaud de Lage