Au Trocadéro, salle Firmin Gémier, le duo Christophe Béranger et Jonathan Pranlas-Descours met à nu, dans un show queer et chaotique, les corps ligotés dans des ficelles multicolores de onze danseurs . S’inspirant de l’art du shibari -bondage japonais – et de l’art de la composition florale, les deux artistes invitent à une plongée désordonnée dans un empire des sens charnel et sensuel.
Muscles saillants sanglés étroitement par des cordes, les onze interprètes, quelque peu contraints dans leurs mouvements, s’exhibent sans pudeur dans une farandole lascive. Prenant tour à tour des pauses explicites, ils convient les spectateurs, à un « peep show » collectif bon chic bon genre. Voyeur, acceptant la part sadomasochiste de sa sexualité, le public se rince l’œil, se lèche les babines, se laisse porter dans cet univers de luxure, de stupre, d’érotisme esthétisant.
Saisissant, débridé, incandescent, le premier tableau trouble, annonce de beaux moments, de belles envolées lyriques, légèrement subversives. Malheureusement, très vite, le souffle chaud retombe. Faute d’une dramaturgie tenue, d’un récit allant au-delà du choc visuel, l’écriture lâche de Christophe Béranger et de Jonathan Pranlas-Descours étire à l’envi les séquences entre de trop rares, mais très belles fulgurances.
Après plus d’une heure vingt-cinq de performances en roue libre, un « so what » semble résonner au plus profond de nos esprits, les sortant de leur torpeur moite, de leurs fantasmes voluptueux. On ne peut que saluer la beauté de quelques séquences très arty, l’énergie, la fougue et l’implication totale et entière des danseurs – Lucille Mansas,Sarah Deppe, Yohann Baran, Alexander Miles Standard, Yasminee Lepe Gonzalez, Hea Min Jung, Colas Lucot, Marius Moguiba, Vincent Clavaguera, Inés Hernández, Jonathan Pranlas-Descours – , mais l’ensemble par trop distendu nous laisse sur notre faim. Dommage, la proposition était alléchante, mais ne remplit pas toutes ses promesses !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Nos désirs font désordre de Christophe Béranger et Jonathan Pranlas-Descours
Chaillot – Théâtre national de la Danse
Place du Trocadéro
75016 Paris
Jusqu’au 22 janvier 2022
durée 1h25 environ
Concept et chorégraphie de Christophe Béranger et Jonathan Pranlas-Descours – Cie Sine qua non art
Création art visuel de Fabio Da Motta
Création art floral de Dorothée Sullam – Chez Marguerite
Création lumières d’Olivier Bauer
Dramaturgie de Georgina Kakoudaki
Musique d’Andy Stott, Archive, Led Zeppelin
Arrangements musicaux de Julia Suero
AVEC Lucille Mansas, Sarah Deppe, Yohann Baran, Alexander Miles Standard, Yasminee Lepe Gonzalez, Hea Min Jung, Colas Lucot, Marius Moguiba, Vincent Clavaguera, Inés Hernández, Jonathan Pranlas-Descours
Crédit photos © Xavier Léoty