À Anthéa, Andrès Marín revisite, à la manière surréaliste, la musique de Maurice Ravel. Dans un décor épuré, le fier hidalgo, affichant sur son torse bombé, un plastron vert d’explorateur, de guerrier en quête d’absolu, investit la scène tel un torero tentant d’attraper l’air du temps, de relier passé, présent et futur.
Jambes tendues, gestes précis, virtuose, le maître du flamenco contemporain, fils d’une lignée de danseurs sévillans, n’a pas son pareil pour faire claquer ses mains, ses talons sur le sol, où des capteurs amplifient le son. Chez lui, tout vibre, danse, rythmique, musique. Fiévreux, fougueux, Andrès Marín se laisse traverser par les notes hypnotiques, envoûtantes, voire dissonantes de Ravel déconstruites par Alberto Carretero. S’inspirant d’une équipe, celle du début du siècle dernier, le chorégraphe invite à un voyage, une balade où en surimpression des figures de la danse apparaissent, disparaissent au gré des sons, des personnages évanescents mutent et se transforment à vue.
Magique, féérique, Éxtasis/Ravel est une œuvre exigeante qui fait la part belle à l’homme, à sa capacité à être, à exister, à prendre sa place dans le monde, à la garder. Toutefois, les belles qualités, l’esthétisme épuré qui fait penser à des artistes comme Juan Gris, Man Ray ou Tanguy, l’implication des musiciens, ne parviennent pas à gommer une impression étrange. Mais où sont les femmes dans ce monde masculin ? Elles sont pourtant là, présentes au plateau, sylphides vêtues de noir de la tête au pied, visages masqués sous le lycra. Les quatre danseuses – Vanessa Aibar, Andrea Antó, Chloé Brûlé & Lucía Vázquez semblent servir de faire valoir, d’âmes indistinctes les unes des autres. Seule la pirouette de fin, en révèle peut-être la raison. Naissant telle une vénus des temps modernes, une silhouette se détache et se révèle enfin, unique, sublime, nue prête à croquer l’univers qui l’entoure, à le faire sien.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Antibes
Éxtasis/Ravel d’Andrés Marín
Anthéa
260, avenue Jules Grec
06600 Antibes
Le 11 décembre 2021
Durée 1h20
musique de Maurice Ravel, Alberto Carretero
mise en scène Andrés Marín, José Miguel Pereñíguez
direction musicale Andrés Marín
chorégraphie et danse d’Andrés Marín
avec Vanessa Aibar, Andrea Antó, Chloé Brûlé, Lucía Vázquez
piano Oscar Martín
saxophones Alfonso Padilla
percussion Daniel Suárez
conception éclairage Yaron Abulafia
son Rafael Pipió
collaboration artistique José Miguel Pereñíguez
costumes Roberto Martínez, Andrés Marín, José Miguel Pereñíguez
Crédit photos © Lolo Vasco et © Luis Castilla