Au théâtre de la Tempête, Clément Poirée, directeur des lieux, invite à une expérience surréaliste et complètement déjantée dans l’univers du catch. À travers des textes commandés à cinq auteurs différents, il signe une œuvre patchwork inclassable, déconcertante et totalement foutraque, que porte avec maestria une troupe de comédiens survoltés. Un sacré bordel !
C’est jour de grand soir à la Tempête. Devant le théâtre, la guinguette fait le plein. D’étranges créatures masquées sillonnent entre les tables et invitent à un voyage vers un ailleurs, un autre monde, celui très américain du catch. Ambiance pop-corns, bières, dans quelques instants, un gong va retentir. Il sera temps de rentrer dans l’arène, celle du kitch et des combats spectacles.
Un freak show
Dans la salle surchauffée par deux animateurs particulièrement en verve – Louise Coldefy et Joseph Fourez – , la scène a laissé place à un ring. Rien n’a été laissé au hasard, tout rappelle les grand-messes de ce divertissement venu d’outre-Atlantique et qui conjugue habilement, excessivement performances sportives et théâtrales. Monstres de foire, masques en cuir cachant les visages, costumes bariolés, bigarrés, tout y est. Clément Poirée n’a rien laissé au hasard. Avec ingéniosité et folles embardées, le metteur en scène s’empare à bras le corps de l’essence même de ce show, de sa brutalité outrancière, de ses provocations exagérées, de ses simagrées sur-jouées et signe un spectacle inclassable, totalement déjanté et ovniesque.
Des coups et des mots
Pour ce projet très particulier, très ambitieux et complétement burlesque, Clément Poirée a fait appel à cinq auteurs très différents. De l’univers sombre Hakim Bah à celui plus pétillant d’Emmanuelle Bayamack-Tam, en passant par celui très décalé de Koffi Kwahulé, plus trivial de Sylvain Levey ou onirique d’Anne Sibran, se dessine à travers une succession de tableaux radicaux, survoltés, exaltés, une évocation du monde d’aujourd’hui, sa violence, son sexisme, son racisme crasse. S’inspirant de l’air du temps, chacun des dramaturges imagine à sa manière un match de catch haut en couleurs où les mots sont aussi importants que les coups, où les vérités dites sont plus fortes que les faux semblants.
Un patchwork scénique
Loin d’être un spectacle littéral, Catch ! est une œuvre à voir par bouts, par morceaux. Les portes de la salle restant ouvertes, chacun est libre de sortir, d’aller chercher à boire, à manger. Il faut accepter de ne pas tout voir, de ne pas tout comprendre, de se laisser porter par bribes, de laisser vagabonder son esprit, de se perdre dans une atmosphère chauffée à blanc où tout ou presque est faux. Très déconcertant, le show proposé par Clément Poirée est une vraie gageure, qui vaut tout particulièrement par la qualité d’interprétation, la folle intensité des artistes – Camille Bernon, Bruno Blairet en alternance avec Erwan Daouphars, Clémence Boissé, Eddie Chignara, Louise Coldefy, Joseph Fourez, Stéphanie Gibert, Thibault Lacroix, Pierre Lefebvre-Adrien, Fanny Sintès – qui se donnent à mille pour cent sur scène. Ils ont du talent à revendre et il en faut une sacrée dose pour tenir en haleine plus de trois heures durant un public tour à tour conquis, perplexe et séduit.
Complétement fou, franchement barré, totalement déconcertant, Catch ! est un sacré bordel, qui a n’en pas douté est l’un des événements de cette rentrée théâtrale 2021.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
CATCH ! sur une idée de Clément Poirée
Théâtre de la Tempête
Route du champ de manœuvre
75012 Paris
jusqu’au 17 octobre 2021
textes d’Hakim Bah, Emmanuelle Bayamack-Tam, Koffi Kwahulé, Sylvain Levey, Anne Sibran
mise en scène de Clément Poirée avec la collaboration de Pauline Labib-Lamour
scénographie d’Erwan Creff assisté de Caroline Aouin
lumières de Guillaume Tesson assisté d’Édith Biscaro
costumes Hanna Sjödin assistée de Camille Lamy
musique, sons Stéphanie Gibert assistée de Farid Laroussi
maquillages de Pauline Bry-Martin
Crédit photos © Franchon Bibille