Créé, il y a un an, le WeToo festival est né du désir de plusieurs artistes femmes de sortir du carcan sexiste qui mettrait en opposition féminisme et famille. Résolument engagé, queer, profondément humain, l’événement se déroulera cette année, du 9 au 12 septembre 2021, au Ciné 104 et à la Cité Fertile à Pantin. Aux côtés de l’initiatrice, Caroline Sahuquet, la comédienne, autrice et dramaturge, Séphora Haymann s’investit et invite à découvrir une programmation riche, éclectique et surtout réflective.
Comment est né le festival ?
Caroline Sahuquet, directrice artistique de la compagnie Mi Fugue Mi Raison, actrice et co-metteuse en scène de 2 spectacles féministes et militants, a réuni une équipe de femmes artistes et féministes autour d’elle pour penser, concevoir, imaginer un évènement à la fois engagé et pluridisciplinaire qui pourrait allier pensées et propositions artistiques. C’est devenu le WeToo Festival, dont la première édition a eu lieu l’année dernière avec un succès qui a dépassé nos espérances et une programmation affichant complet. Cette deuxième édition à venir est encore plus ambitieuse, et nous fédérons autour de nous des artistes, des autrices, des sociologues, des expertes et des experts qui font la pensée féministe d’aujourd’hui.
Et nous l’espérons de demain.
Nous sommes 6 co-organisatrices (Séphora Haymann, Del Kilhoffer, Cécile Martin, Morgane Massart, Caroline Sahuquet et Aline Stinus) non-représentatives de l’ensemble de la société, ni de l’ensemble des courants féministes. Nous n’avons pas toutes les mêmes parcours de vie mais nous avons un privilège commun, celui d’avoir les moyens, le temps de réfléchir et le luxe de penser. Nous développons une organisation horizontale du travail, à rebours des codes structurels de notre société capitaliste et patriarcale, réfutant ainsi toute forme de hiérarchie. Sortir du système de domination, c’est aussi chercher des modes de production subversifs.
Quel en est son ADN, sa ligne artistique ?
Le WeToo festival est un festival féministe et familial, ces deux notions sont les piliers de notre concept et en font sa singularité. Les faire cohabiter est souvent une gageure, mais c’est aussi une nécessité. La famille, lieu de l’intime et du privé, est un espace hautement politique. Elle est un des principes les plus solidement ancrés de notre société. Lieu refuge ou de douceur, c’est aussi là où s’exercent une redoutable violence et de grandes inégalités.
Envisager un festival féministe ET familial, c’est donc se confronter d’emblée à un hiatus quasi irréconciliable. Et pourtant. Si la famille est un des terreaux de la domination patriarcale, économique, sexuelle, c’est précisément là où il nous faut agir.
C’est pourquoi, au WeToo Festival, nous proposons, à travers une programmation pluridisciplinaire adressée aux enfants, aux adolescentes, adolescents et aux adultes, de questionner dans la joie et le partage ce que nous sommes et ce vers quoi nous tendons individuellement et collectivement.
Nous articulons notre programmation autour de grandes questions du féminisme auxquelles on ne saurait répondre de façon univoque. Nous donnons la parole à celles et ceux qui sont concerné.e.s en premiers lieux par ces problématiques. Nous proposons diverses formes comme autant d’options pour y répondre : spectacles, performances, tables rondes, concerts, ateliers… Nous sommes attentives à l’émergence et à la diversité pour permettre la naissance de nouveaux modèles, la multiplicité des représentations et la visibilisation de celles et ceux que l’on voit moins, voire pas du tout.
Le WeToo Festival est une expérience festive, familiale et politique qui offre de vivre la révolution féministe au travers de propositions artistiques engagées et de réflexions fortes.
Quelles sont les grandes lignes de cette deuxième édition ?
Pour cette édition#2, le WeToo festival propose une programmation articulée autour de grandes thématiques posées par nos 2 tables rondes : identités de genre, ouvrir nos familles à tous les possibles, et faut-il en finir avec l’hétérosexualité pour abolir le patriarcat ?
Autour nous avons une programmation de spectacles jeunesse (Le Quartet Buccal, Les Tréteaux de France, Louis(e) de Ville…) et adultes (Wendy Delorme, Plateau Humour avec Laura Domenge, Estelle Meyer…), des propositions gratuites avec des performances et des concerts en extérieur (George Ka, les Chakras Lycras…), des ateliers, des créations de podcasts…
Cette année, Nous avons inventé les Quickies – les universités du WeToo, des mini-conférences de 30 minutes sur un sujet spécifique du féminisme, présenté par des expertes du sujet. En plus nous proposons une garde d’enfant gratuite pour que les parents isolé.e.s puissent avoir un accès à la culture s’ils et elles le désirent.
Un tel festival autour des thématiques féministes et queers, est-il nécessaire pour faire évoluer la société ?
Nous pensons que les féminismes, les questionnements véhiculés par ces courants sont nécessaires pour supprimer les systèmes de dominations. Au WeToo, nous défendons un féminisme intersectionnel et inclusif et nous cherchons pour penser un avenir plus équitable, non hiérarchisé où chaque individu aurait sa place, dans l’expression pleine de sa singularité. Nous pensons que la révolution féministe est une révolution de la singularité collective et non pas d’une universalité généralisante, aseptisante et inhibante.
Pour nous qui sommes artistes, notre moyen, c’est ce mode d’expression : nous avons souhaité créer un évènement festif et politique pour tous et toutes où la pensée et le spectacle se mêlent pour imaginer ensemble un monde plus désirable.
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
WeToo Festival
Pantin
Crédit photos © Julian Torres © DR, © Héloïse Tardif.