Philippe Adrien, dramaturge et metteur en scène, qui dirigea le Théâtre de la Tempête de 1996 à 2016, vient de mourir ce 15 septembre 2021, des suites d’une longue maladie qui avait mis à mal sa mémoire. Cet artiste passionné aura marqué l’histoire du Théâtre.
C’est par un communiqué de Pascal Zelcer, qui fut durant de longues années son attaché de presse, que nous avons appris la triste nouvelle. On savait Philippe Adrien très malade, mais cette nouvelle nous déchire le cœur ! Rencontrer Philippe Adrien était toujours source de joie et de bonheur. Il était là à nous accueillir en son beau théâtre de la Cartoucherie, toujours prévenant. On pouvait rester des heures à deviser du spectacle, du théâtre en général et même de la vie en particulier.
Première rencontre
Ma première rencontre avec son œuvre se fit au cours Simon, lorsque Rosine Margat me donna à travailler un texte d’un auteur que je ne connaissais pas, Philippe Adrien. C’était La Baye, la fameuse scène ou la mère tourne en rond, s’énervant parce qu’il y avait les Jean qui venaient ! Comme j’avais aimé cette écriture. Un chef-d’œuvre du genre, celui de l’absurde. Lorsque Clément Poirée prit la direction à sa suite du théâtre de la Tempête, il mit en scène cette pièce pour célébrer le talent d’Adrien. Philippe était là dans la salle sensible à l’hommage rendu.
À la tête de la Tempête
La Tempête, théâtre fondé par Jean-Marie Serreau, était son lieu, son enfant a-t-on envie de dire ! De 1985 à 1995, il y avait été accueilli en résidence et de 1996 à 2016, il en fut le directeur. Il avait su en faire un lieu de créations, de découvertes, de surprises. C’était un lieu où grondait la création. « Nous faisons du théâtre avec les gens que nous connaissons et nous estimons » m’avait-il confié dans un entretien pour le Pariscope. Ils sont nombreux à être passé par ce théâtre, des jeunes en devenir, des artistes aguerries. On peut en citer tellement, Jorge Lavelli, Pierre Pradinas, Pauline Bureau, René Loyon, Gilles Bouillon, Gabriel Garran, Guy-Pierre Couleau et tous les autres ! On découvrait ou redécouvrait des œuvres, parfois c’était la fête, quelquefois la déception, mais il en est ainsi de la création ! En tout cas, Adrien avait l’œil ! « Mon premier souci, comme directeur, n’est pas de juger la création théâtrale ou de désigner les meilleurs, mais de rassembler le public. »
Un metteur en scène aiguisé
En tant que metteur en scène, il a exploré les textes contemporains et les classiques. Apportant toujours une vision qui nous éclairait sur le monde ! De tous les spectacles qu’il a montés, il m’est difficile de faire un choix, tant à chaque proposition il m’a enchantée. Alors nous évoquerons ce fameux Dindon de Feydeau qui fut couronné de Molières, cette École des femmes si bouleversant, et surtout du dernier Le Bizarre incident du chien pendant la nuit de Simon Stephens.
Découvreur de talent
Il aimait les comédiens et comédiennes et il avait un flair pour les dénicher, Alix Poisson, Guillaume Marquet, Patrick Faroux, Pierre-Alain Chappuis, Eddie Chignara, Valentine Galley, Juliette Poissonnier, Pierre Lefebvre-Adrien… Et j’en oublie, tant la liste est longue. Il les dirigeait de mains de maître. En parlant des acteurs du Dindon, il m’avait dit : « Quand j’exultais de joie dans mon fauteuil, ils savaient que ce qu’ils me proposaient était en phase. »
Un bienheureux artiste
Exulter, un verbe qui lui va bien. Il se réjouissait de tout ! Il aimait rire. A la fin de sa vie, il ne cachait plus les émotions qui l’étreignaient, combien de fois nous lui avons vu une larme à l’œil ! Il était humain si humain. Aujourd’hui, l’équipe du Théâtre de la Tempête a le cœur en berne, mais Philippe Adrien est parti sachant que son théâtre est entre de bonnes mains !
Marie-Céline Nivière
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