À Metz, dans le cadre de Passages Transfestival, nouvellement dirigé par Benoît Bradel, Alice Ripoll invite à une danse tribale, brute, transcendantale où les corps s’entremêlent, se lavent et se purifient pour retourner à un état originel, vierge de tout péché, de toute salissure.
La ville, aux airs néogothiques,de l’Est de la France, où certains bâtiments semblent tout droit sortis de l’imaginaire de Tolkein, est en fête depuis le 2 septembre. Derrière l’Arsenal, sur l’esplanade de la cité musicale de la ville de Metz, transformée pour l’occasion en village brésilien, le quartier général, le « Coração » de Passages Transfestival s’est installé pour une dizaine de jours. Hamacs, babyfoot sen carton, bar, épicerie proposant accras de morues, jus de Guarana, etc., accueillent le public entre deux spectacles, deux performances.
25 ans d’existence
Pour son nouveau directeur, Benoît Bradel, metteur en scène dont on a pu découvrir le travail dans La 7e vie de Patti Smith, au théâtre 14, cette édition anniversaire à double titre, est un vrai challenge. Passages change de nom, affirme son identité transdisciplinaire, transcontinentale et transeuropéenne, et reprend son rythme original, annuel. Né à Nancy en 1996- il y a 25 ans – , sous l’impulsion du directeur du Théâtre de la Manufacture de l’époque, Charles Tordjman, la manifestation se veut une fenêtre artistique sur les créations venant de l’Europe de l’Est, en pleine mutation et effervescence après la chute du mur de Berlin.
Dix ans à Metz
Quinze ans plus tard, en 2011, l’évènement s’installe à Metz, change de cap pour élargir son horizon, en s’intéressant à des cultures autres qu’européennes. Après le Moyen-Orient et l’Afrique, chers à Hocine Chabira, à la tête de l’événement de 2016 à 2020, Benoît Bradel, convie cette année, un voyage pluridisciplinaire au cœur de la scène brésilienne, une gageure en temps de covid, où les voyages internationaux sont particulièrement empêchés. Le pari semble gagné, à force de volonté, d’acharnement, plus de 30 propositions artistiques sont présentées en une dizaine de jours.
Le Brésil à cœur
Du 2 au 12 septembre, Metz se mets aux couleurs du Brésil et vibre au son de la samba, de la bossa nova. De Christiane Jatahy à Volmir Cordeiro, en passant par Marcio Abreu, c’est tout un pan de la culture de ce pays riche et foisonnant qui dévoile ses forces créatrices, sa diversité artistique. En ce 8 septembre, le festival propose de découvrir la première française de Lavagem d’Alice Ripoll, une œuvre performative autant esthétique que politique.
La fureur de vivre
Un vacarme, un bruit de tempête, de toiles en plastique froissées, rompt le silence de la salle plongée dans le noir. Une énorme boule bleue semble rouler vers le centre de la scène, placée telle un ring, en plein milieu des gradins en quadri-frontal. Elle grossit, se tend, rapetisse. De son ventre, des corps se libèrent. Portée par une frénésie, une énergie folle, les six danseurs – Alan Ferreira, Hiltinho Fantástico, Katiany Correia, Rômulo Galvao, Tony Hewertonet Tuany Nascimento – s’empoignent, s’agrippent, se rejettent. Lascive, sexuée, charnelle et dégingandée, l’écriture d’Alice Ripoll explose en pleine lumière. Entre improvisations, parts de hasard et maitrise totale, sa chorégraphie hypnotise, laisse pantois, interroge parfois sur la finalité, le propos.
Le grand nettoyage
Bien évidemment, en intitulant son projet, Lavagem, qui désigne autant la propreté́ que blanchiment d’argent, ou lavage de cerveau, Alice Ripoll place son travail à la frontière entre œuvre artistique et œuvre engagée. Dans un Brésil corrompu, gouverné par un dictateur, la danse imaginée par l’artiste née à Rio de Janeiro surfe sur plusieurs registres. Comment ne pas voir dans cette transe salvatrice, où les corps recouverts de savon des interprètes s’enchevêtrent, se confondent, se purifient à grandes eaux, une volonté de voir son pays repartir à zéro, lavé de toute pourriture, de toute souillure.
Sourire aux lèvres, gestes précis, les six danseurs séduisent, rivalisent de fanfaronades, de morceaux de bravoure. Ils embarquent le public vers un ailleurs entre rêve et réalité. Une performance singulière, détonante qui montre s’il était nécessaire la grande créativité des artistes brésiliens.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Metz
Lavagem d’Alice Ripoll
Passages Transfestival
Arsenal
3 Av. Ney
57000 Metz
Le 8 septembre 2021
Durée 1h environ
Tournée
les 11 et 12 septembre 2021 à La Bâtie – Festival de Genève
du 15 au 19 septembre 2021 à La Villette – Festival d’Automne à Paris
du 24 au 25 septembre 2021 au Festival Actoral de Marseille
les 29 et 30 septembre 2021 à Vooruit, Gent
les 5 et 6 octobre à la Kaserne, Basel
les 9 et 10 octobre 2021 à la Biennale BoCA, Lisbonne
les 15 et 16 octobre 2021 au théâtre Louis Aragon, Tremblay en France
du 19 au 22 octobre 2021, au Teatro di Roma – Teatro Nazionale & Romaeuropa Festival, Rome
Chorégraphie Alice Ripoll
Idée originale d’Alan Ferreira
Avec Alan Ferreira, Hiltinho Fantástico, Katiany Correia, Rômulo Galvao, Tony Hewerton, Tuany Nascimento
Scénographie de Raquel Theo assistée de Thais Peixoto
Accessoires et visagisme – Cleber de Oliveira
Costumes de Paula Ströher
Lumières Tomas Ribas
Assistante artistique – Laura Samy
Assistants musique – Rodrigo Maré, Helena Bittencourt
Crédit photos © Renato Magolin