En cette fin septembre 2021, Julien Bouffier ne sait où donner de la tête. Entre Paris, où il présente dans le cadre du festival SPOT #8 du Théâtre Paris-Villette, sa dernière création Dans la foule d’après l’œuvre de Laurent Mauvignier, et Montpellier, où à lieu le Warm-up, manifestation spin-off du Printemps des comédiens, dédiée à la recherche artistique, dont il est l’initiateur, le metteur en scène fait de son métier un art de vivre, un engagement de tous les jours. Rencontre avec un artiste lumineux et passionné.
Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
Voir mon papa développer ses photos dans sa chambre noire. Ça marche, ça, comme art vivant ? Je ne savais pas vraiment si c’était de l’art, mais il y avait quelque chose de magique qui se passait en direct sous mes yeux, quelque chose de beau, de mystérieux.
Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
Ah oui, art vivant donc comme spectacle vivant… Faudrait peut-être que je donne une autre réponse dans la question précédente alors… Parce que mon premier souvenir de spectacle, c’est, je crois La Nuit des rois de Mnouchkine au Théâtre du Soleil. Bon, je me souviens surtout du lieu et des acteurs qui sautaient sur les murs.
Mais mon souvenir déclencheur, même si je l’avais déjà décidé, c’est le Hamlet de Chéreau au Palais des Papes. Je me suis penché sur ma mère et je lui ai dit : « Dans dix ans, je serai là ». La jeunesse présomptueuse…
Qu’est-ce qui a fait que vous avez choisi d’être metteur en scène ?
Je n’ai pas pu embrasser la carrière de footballeur !
Metteur en scène, car je ne réussissais pas à être metteur en scène et acteur à la fois… Mais j’aurais tellement voulu être Vilar et Philipe à la fois.
Metteur en scène, car j’ai envie de partager des histoires, des émotions, des sujets qui me touchent.
Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
C’est un spectacle que j’avais mis en scène avec mes camarades de classe du Lycée Henri IV. Il y avait plusieurs petites pièces dont Le chant du cygne de Tchekhov… Un peu étrange pour commencer un chemin dans le théâtre que de raconter l’histoire d’un comédien désenchanté en fin de vie complètement oublié.
Mais la chose importante, c’est quand je suis rentré chez moi, tard après le spectacle, j’avais un petit mot sur la table de l’entrée où nous posions les clés. Un petit mot de mon beau-père écrivain, Bernard Pingaud qui me disait qu’il avait compris en me voyant mon désir de théâtre et qu’il l’encouragerait.
Votre plus grand coup de cœur scénique ?
Il y en a beaucoup. J’adore aller au théâtre et je reste un spectateur candide et curieux mais le Hamlet de Chéreau comme je l’ai déjà dit, Les Sept branches de la rivière Ota de Robert Lepage, Bob Wilson, Dumb Type, Pascal Rambert, La chambre d’Isabella, La Servante de Py… Ah oui, Féroe la Nuit de Michel Deutsch mis en scène par Lavaudant et la première pièce de Durringer. Ça a été un choc, car j’ai vu pour ces deux derniers spectacles qu’on pouvait raconter des histoires aujourd’hui avec une langue d’aujourd’hui… Ivo van Ove… Trop, Trop…
Quelles sont vos plus belles rencontres ?
C’est intime… ma femme ! Je veux dire, je l’ai rencontré comme actrice d’abord et j’ai su que je ferai un bout de chemin avec elle ! Et elle m’impressionne toujours autant !
En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
C’est ce qui me connecte au monde. Je serais seul sinon. Je veux dire sans curiosité de l’autre, appétit du monde. Ce serait tellement facile de rester chez moi avec ma famille. J’aurais la sensation d’être sans yeux, sans oreilles et sans bouche.
Qu’est-ce qui vous inspire ?
Tout ou presque, mais j’aime beaucoup regarder des photos, des tableaux ou des installations plastiques. Je peux rester longtemps devant et rêver.
De quel ordre est votre rapport à la scène ?
C’est une amoureuse. Elle m’impressionne et j’ai beaucoup de désirs pour elle.
À quel endroit de votre chair, de votre corps, situez-vous votre désir de faire votre métier ?
Le cœur simplement. C’est une histoire de respiration, de battement, de manque d’air. D’ailleurs, il m’est arrivé, spectateur, de me sentir mal. Tellement je m’ennuyais, j’ai commencé à faire une crise d’angoisse. Je ne pouvais plus respirer. J’ai rampé à quatre pattes jusqu’à la sortie.
Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
Je veux engager Thimotée Chalamet dans Hamlet. Vous auriez son 06 ?
À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
Je viens de vous répondre. La première au Palais des Papes bien sûr. J’aime beaucoup les spectacles longs en extérieur, où notre temps de spectateurs se dilate, où une expérience de vie se produit.
Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
C’est piège votre question parce que la réponse sera évidemment présomptueuse vue que j’imagine qu’il va se passer encore plein de choses. Je serais donc pour une œuvre qui se finit bien. Mais je suis embêté, car les œuvres qui se finissent bien m’ennuient en général !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Dans la foule d’après le roman de Laurent Mauvignier
Mise en scène de Julien Bouffier
Résidence et répétitions au théâtre Jean Vilar
Tournée
Festival Spot#8
Théâtre Paris-Villette
du 24 au 25 septembre 2021
Warm-up du Festival le Printemps des comédiens
du 24 au 26 septembre 2021
Crédit photos © Julien Bouffier, © OFGDA et © Marc Ginot