Au Théâtre du Chêne noir, à Avignon, Zabou Breitman, esquisse par touches le portrait en creux de la plus célèbre et la plus mordante des critiques dramatiques new-yorkaises du siècle dernier, Dorothy Parker.
Comment saisir l’inclassable, l’inénarrable ? En commençant le récit par la fin. Alcoolique et fumeuse invétérée, Dorothy Parker meurt à l’âge de 73 ans, seule dans une chambre d’hôtel avec son chien et une bouteille à la main. Incinérée quelques jours plus tard, rien n’a été décidé pour ses cendres. Commence alors une épopée ubuesque qui se terminera en août 2020. Après des années d’errance, de la morgue au tiroir d’un avocat, en passant par un jardin de Baltimore, elles finiront leur balade folle dans le caveau familial.
Une vie entre comédie et tragédie
En abordant de cette manière saugrenue, l’histoire de cette femme unique, de cette militante qui a légué toute sa fortune, les dettes en moins, à Martin Luther King, dont elle admirait le combat, Zabou Breitman signe un spectacle enlevé entre rires et larmes où elle évoque plus qu’elle ne brosse le portrait de celle que ses amis appelés « The Wit » – esprit vif. Loin d’un biopic, la comédienne et metteuse en scène s’amuse à construire à la manière d’un puzzle une évocation délicate et sensible de ce personnage hors-norme, dont la vie est une tragicomédie qui s’est poursuivie bien au-delà de sa mort en 1967.
Dorothy en cinq nouvelles
Partant de cinq nouvelles acérées et drôlement caustiques, que la journaliste, scénariste et poétesse a écrit pour le New Yorker, elle insuffle, la vie aux mots de cette observatrice fine et sans concession, des États-Unis des années 1920 aux années 1960. De sa plume corrosive, elle brocarde l’hypocrisie de ses contemporains, leur fausse bien-pensance. Elle se régale des petits travers du quotidien, de l’impolitesse des hommes, des femmes prudes, de ces hommes affairés qui passent la nuit dans les bars clandestins à se saouler. À la manière d’un artisan, la metteuse en scène s’occupe en direct du son et de la lumière. Comédienne lumineuse, Zabou Breitman joue les séductrices, les caustiques, les femmes tristes, oubliées et nous emporte au cœur de sa création. Un bien beau moment à savourer intensément.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Dorothy, d’après les écrits de Dorothy Parker
Conception de Zabou Breitman
au Théâtre du Petit Saint-Martin
Du 5 octobre au 30 décembre 2023
19h ou 21h (selon calendrier)
Durée 1h15.
Présenté en juillet 201 au Festival d’Avignon le OFF
Théâtre du Chêne noir
durée 1h15
Mise en scène de Zabou Breitman
Avec Zabou Breitman
Lumières de Stéphanie Daniel
Costumes de Zabou Breitman Bruno Fatalot
Accessoires – Amina Rézig
Son :d’Yoann Blanchard
Regard extérieur – Antonin Chalon
Crédit photos © Pascal Victor