À deux pas des Halles, rue Amphoux, Laëtitia Mazolini, directrice du théâtre Transversal, veille au grain, du soir au matin. Souriante, généreuse, elle accueille le public, le conseil, dorlote les compagnies qu’elle programme. Figure du OFF d’Avignon, elle choisit avec soin les projets, les créations qu’elle défend et trace sa route avec beaucoup de tendresse et persévérance. Le pari semble gagné, les deux salles ne désemplissent pas depuis le début de cette édition 2021.
Comment est né le théâtre Transversal ?
Laëtitia Mazzoleni : Complètement par hasard ! (Rires) J’ai une formation de comédienne, j’ai eu des envies de mises en scène, et j’ai créé ma compagnie, l’Agence de Fabrication Perpétuelle, en 2006. Faisant du théâtre vivant à Avignon, il semblait tout à fait logique, pour tout le monde que je prenne la direction d’un lieu… Sauf pour moi ! Ce n’est pas le même travail, on n’est pas forcément un bon metteur en scène et un bon directeur de lieu, et par-dessus tout j’aimais le nomadisme de la vie de compagnie. Et puis on vieillit (Rires)… Plus sérieusement, en 2017 on m’a proposée de reprendre la direction d’un théâtre existant et j’ai eu envie de relever le défi, j’étais à un tournant de ma vie personnelle et j’ai sauté sur l’opportunité. Je ne le regrette pas, je suis totalement épanouie dans ce rôle. Même si je continue aussi mon travail de création, j’en ai trois sur le feu.
Quelle est la philosophie du théâtre ?
Laëtitia Mazzoleni : Je ne sais pas si on peut parler de philosophie mais dès l’ouverture j’ai eu envie de créer un cocoon artistique. Le Transversal est un lieu de création mais c’est avant tout un laboratoire, un endroit où on expérimente, où on teste des choses, où les compagnies peuvent venir sans but de production. Je sais de quoi ont besoin les compagnies donc je le leur propose, je suis là à leur service.
Comment faites-vous votre programmation ?
Laëtitia Mazzoleni : Au feeling, aux rencontres, et je m’appuie aussi beaucoup sur mes connaissances. Avignon et plus largement la Région Sud est un vivier d’artistes talentueux, j’ai travaillé avec certains, je suis le travail d’autres depuis toujours, ils savent que le Transversal est leur maison. Mais l’amitié ne fait pas tout, j’ai une réelle exigence dans travail. Au Transversal on questionne l’humain et la société, on privilégie les auteurs contemporains, et surtout on met l’accent sur les formes hybrides et novatrices. J’aime remettre en cause nos pratiques et notre façon d’aborder un texte ou un sujet. Je laisse même des cartes blanches à des techniciens du spectacle pour des formes où la technique guide la création plutôt que l’inverse. J’aime bouger les lignes de la création.
Comment réagissez-vous aux annonces du Président d’imposer le pass sanitaire au-delà de 50 personnes dans les salles ?
Laëtitia Mazzoleni : Ça a été un choc ! Depuis des mois nous travaillons en lien avec la Préfecture, le ministère de la Culture et le ministère de la Santé pour prévoir tous les cas de figures possibles… Mais celui-ci n’avait pas été évoqué. Il n’est pas techniquement possible en période de festival d’installer ce genre de dispositif, il faut 30 secondes pour vérifier un pass sanitaire et les spectacles s’enchainent… 50 minutes pour vérifier 100 personnes alors qu’il y a une heure entre chaque spectacle… Imaginez ! Alors comme d’habitude on va s’adapter, on commence à être des professionnels de l’adaptation, on ouvre, on ferme, on décale les spectacles, on les annule, vite, vite, il faut programmer quelque chose parce que ça rouvre, ah oui mais avec une jauge à 30%… voilà notre quotidien depuis un an et encore là ça continue…
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Théâtre Transversal
10 Rue Amphoux
84000 Avignon
Crédit portrait © Marc Lecaze
Crédit photos © Grenat, © Vincent Bérenger et © DR