Dans la cour du théâtre de la Parenthèse, rue des Études à Avignon, Emmanuelle Jouan, directrice du Théâtre Louis Aragon, Scène conventionnée d’intérêt national Art et création – danse de Tremblay en France, vient de lancer la première saison 100 % danse de La belle Scène Saint-Denis. Un événement plein de promesse.
Depuis quand la Scène conventionnée de Tremblay pose-t-elle, chaque été, ses valises à Avignon ?
Emmanuelle Jouan : Au départ, on était deux théâtres, deux scènes conventionnées, le Forum de Blanc Mesnil et nous le Théâtre Louis Aragon. Nous étions engagés dans un dispositif commun en Seine Saint-Denis, autour d’un projet de résidence longue tout particulièrement sur le champ chorégraphique. On avait un accompagnement de haut niveau, très complet, pour les compagnies que nous accueillions. Ensemble, nous faisions un travail de territoire fantastique. À l’époque, notre principal souci, était que nous n’arrivions pas à valoriser tout cela. Nous n’avions pas de visibilité, les pros venaient rarement voir ce que l’on faisait. Ça ne rebondissait pas… Pour changer cela, avec le Forum, nous avons donc réfléchi à une stratégie de mise en avant de tout ce que l’on fait à l’année. L’idée de venir à Avignon, lieu de création artistique où beaucoup de professionnels se retrouvent, a alors émergé.
Pourquoi vous êtes-vous installés dans la cour de la parenthèse ?
Emmanuelle Jouan : Quand on a commencé à chercher un lieu pour diffuser nos spectacles. Jean-Christophe Boissonade, alors directeur adjoint du Forum, a évoqué cet endroit idyllique, cette cour dont il connaissait le propriétaire. À cette époque, il y a douze ans, quand nous avons prospecté, Ça tombait bien, il cherchait à remplir certains créneaux. On lui a donc proposé, de la danse et un peu de théâtre. C’étaient les prémices d’une belle aventure qui perdure aujourd’hui. Au début, cela n’a pas été simple car nous n’avons pas forcément les moyens de cet ambitieux et fabuleux projet. Ensemble, le Forum et le théâtre Louis Aragon, nous avons pris le taureau par les cornes et nous avons cherché de nouveaux partenaires, nous avons proposé au Département de la Seine-Saint-Denis de participer à l’expérience en leur expliquant l’importance d’être visible, de valoriser tout ce l’on faisait grâce à lui. Ils ont dit oui tout suite. La Ville de Tremblay-en-France y a vu aussi un intérêt de valorisation de sa politique culturelle et a soutenu cette initiative. Et dès la première année, en 2010, on a senti un frémissement incroyable, car on revendiquait l’éthique, la déterritorialisation. Quand on est ici, c’est notre projet que l’on défend, celui du théâtre conventionné. Aujourd’hui, cela fait partie de nos missions.
D’où vient ce nom La belle Scène Saint-Denis ?
Emmanuelle Jouan : À l’époque les scènes conventionnées, revendiquaient le fait d’être un label. Nous étions considérés comme tel, mais à l’époque les Scènes conventionnées d’intérêt national art et création danse n’existaient pas encore. On voulait donner de la visibilité à ces scènes qui étaient un maillon essentiel à la création de la danse en France, ce qui était fondamental pour les chorégraphes émergents, mais aussi pour la diffusion. Nous avons donc imaginé, ce petit jeu de mot sur Label / la belle. De plus il était important pour nous de donner une image positive de notre département. La Belle Scène Saint-Denis, c’était donc parfait.
Cette année, La Belle Scène Saint-Denis revendique un programme 100 % danse. En quoi cela est-il important ?
Emmanuelle Jouan : tout a changé en 2015. Après les municipales, la ville du Blanc Mesnil est passée à droite, les édiles nouvellement élus ont déconventionné le théâtre du Forum. On a perdu notre partenaire principal. Heureusement cela a correspondu à la nomination de Jean Bellorini au TGP à Saint-Denis, un artiste avec qui on avait une longue complicité. Tout de suite, il a eu l’envie de participer à l’aventure, de devenir notre partenaire. Notre accord était simple, on programmait de la danse le matin et le TGP du théâtre l’après-midi. Puis il y a deux ans, Jean a été nommé directeur du TNP à Villeurbanne. On s’est donc retrouvé une nouvelle fois tout seul. Poussés par une forte demande des chorégraphes, nous avons proposé à la DRAC Île-de-France et au Département de la Seine-Saint-Denis, une programmation 100% danse qu’ils ont validé. Afin de pérenniser ce nouveau projet, qui n’est qu’une suite logique de l’ancien, nous nous sommes associés à Danse/Dense, plateforme d’accompagnement de jeunes chorégraphes. Domiciliée à Pantin, cette plateforme organise des événements dans toute la France tout en accompagnant toute l’année de jeunes compagnies.
Comment se fait la programmation ?
Emmanuelle Jouan : nous privilégions bien évidement les artistes associés à la saison et ensuite nous en invitons d’autres avec lesquels nous avons des complicités de longue date et qui ont des choses à montrer pendant Avignon. Mellina Boubetra, qui fait partie de la première matinée, par exemple, est artiste associée. Pour nous, une chose est essentielle, maintenir le travail de communauté que nous tissons toute l’année. Ici, il y a un lien avec les artistes qui se crée. On les « cocoonne », les entoure, les seconde. Toute l’équipe du Théâtre Louis Aragon descend à Avignon. On ne les parachute pas en disant vas-y fais ta pièce. Moi je suis là à chaque représentation pour être avec eux, échanger avec les pros, on est vraiment là pour valoriser leur travail, dans les meilleures conditions. De manière générale, l’enjeu pour les services publics de la culture, et tout particulièrement pour nous la belle Scène Saint-Denis, c’est comment des artistes sont associés à des territoires, comment ils sont accompagnés dans leur travail de création, afin qu’on puisse diffuser tout leur répertoire comme on le fait là.
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial d’Avignon
La Belle Scène Saint-Denis
du mercredi 7 au vendredi 16 juillet 2021
à La Parenthèse
18 rue des études
84000 Avignon