Artiste numérique français spécialisé dans l’utilisation des images 3D sous différentes formes, Hugo Arcier, en collaboration avec le metteur en scène Cyril Teste, investit le Lycée Jacques-Decour, dans le cadre du Festival Paris l’été. Conçu pour immerger le spectateur au cœur d’une nature réinventée, l’installation Eden va vous en mettre plein les yeux.
Quel est votre premier souvenir d’art ?
Les étranges statues menhirs du Musée Fenaille à Rodez, dans mon département familial. Je me souviens parfaitement de ces figures anthropomorphes, de leur design très stylisé, étonnamment moderne. Je me souviens aussi de la sensation vertigineuse d’être en face de sculptures façonnées par la main d’hommes, il y a trois millénaires avant notre ère ; comme si ces pierres étaient un lien avec eux et avec cette époque lointaine. Je ne peux pas m’empêcher face à de telles œuvres d’imaginer les artistes en train de les faire, d’imaginer qui ils étaient. Un vrai voyage.
Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art ?
Très tôt, j’ai eu envie de m’exprimer en créant sur ordinateur. Encore adolescent, je faisais ce qu’on appelle aujourd’hui rétrospectivement du pixel art, mais qui n’était à l’époque qu’une limitation technique. J’ai ensuite découvert les images de synthèse dans les années 90. C’était le tout début de l’accessibilité de ces pratiques par le grand public. Même si j’ai fait une école et que j’ai un diplôme de réalisateur numérique, je me considère comme un autodidacte et c’est par la pratique que j’ai accédé à une carrière artistique.
Qu’est-ce qui a fait que vous avez choisi d’être plasticien ?
J’ai commencé ma carrière dans les effets visuels pour le cinéma. C’est un milieu qui continue de me fasciner et que je suis encore aujourd’hui, mais d’un regard plus distant. Ce qui a fait que j’ai voulu explorer des territoires plus personnels, c’est un besoin de liberté et le fait que les images de synthèse dans le cinéma sont utilisées presque systématiquement avec un rendu réaliste. À mon sens, ça n’est pas le cœur et l’essence de cette technique. J’aime la faculté de soustraire, d’aller vers une forme d’abstraction, j’aime aussi montrer l’image en train de se créer.
Quelle est votre première œuvre et quel souvenir en retenez-vous ?
Tout dépend la définition que l’on a d’une œuvre. Je pars du principe pour ma réponse que cette œuvre doit être présentée a un public et donc je vous parlerai de L’œil de Moscou, une vidéo en images de synthèse faite en 2004, et qui avait été exposée dans une galerie parisienne, aujourd’hui disparu, rue Richelieu. L’exposition s’appelait Open source – tout un programme – et réunissait des œuvres numériques, ce qui était rare à l’époque. Je me souviens d’une atmosphère remplie d’énergie, de vie. Il y avait une excitation liée à la sensation d’assister à l’émergence d’une nouvelle pratique.
Votre plus grand coup de cœur artistique ?
C’est très dur de répondre à cette question, car il y aurait plusieurs réponses possibles, selon différents critères. Le nom qui me vient spontanément, c’est Pierre Soulages. J’aime son travail, son idée d’utiliser la lumière dans ses tableaux. C’est de l’abstraction chargée d’émotion. C’est très certainement un des plus grands artistes vivants.
Quelles sont vos plus belles rencontres ?
Je collabore très régulièrement avec des artistes, réalisateurs, metteurs en scène, musiciens… C’est très souvent de belles rencontres. J’aime quand je découvre un univers nouveau, comme par exemple la chorégraphe Christine Bastin avec qui j’avais travaillé sur mon film Clinamen pour l’Opéra de Paris. Parfois, une relation plus durable se noue avec des collaborations récurrentes, comme avec le metteur en scène Cyril Teste.
En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
Comme toute passion, c’est pour moi une raison de vivre. Je ne me vois pas ne pas pratiquer mon activité. C’est elle qui structure ma vie et l’oriente. J’ai la chance de pouvoir naviguer sur des projets très différents, ce qui permet à chaque fois de relancer mon intérêt.
Qu’est-ce qui vous inspire ?
La nature est probablement ce qui m’inspire le plus. Les images de synthèse ont cette faculté de simulation, c’est-à-dire de recréer des phénomènes naturels par des algorithmes. C’est aussi une façon de mieux comprendre, parfois aussi de mieux apprécier la nature qui nous entoure. Je suis fasciné par des choses qui peuvent nous paraître banales, le mouvement de l’eau qui coule dans un ruisseau, la croissance d’un arbre. Il faut réapprendre à voir le monde avec émerveillement.
De quel ordre est votre rapport à l’art ?
Reconnaissant. Je pense que l’art rend la vie plus belle.
À quel endroit de votre chair, de votre corps, situez-vous votre désir de faire votre métier ?
Mon cerveau, c’est là où se jouent les émotions, les souvenirs
Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
J’aime bien qu’il y ait une part de hasard et de surprise dans mes collaborations donc je préfère ne pas réfléchir ça. C’est une question que je ne me pose pas.
À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
Le prochain.
Si votre vie était une œuvre, qu’elle, serait-elle ?
Détail, Roman Opalka
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Eden de Cyril Teste et Hugo Arcier
Installation
Festival Paris l’Été
Lycée Jacques-Decour
12 Avenue Trudaine
75009 Paris
jusqu’au 31 juillet 2021
ouverture de l’exposition de 18h à 22h, puis de 23h30 à 00h30
à partir de 8 ans accompagné d’un adulte
durée 20 min
gratuit en accès libre (dans lalimite des places disponibles)
Crédit photos © DR