Françoise Cadol s’est emparée du roman de Grégoire Delacourt, La femme qui ne vieillissait pas, pour nous rappeler que les rides sont les marques de notre vie et qu’elles doivent se lire comme un livre d’histoire. Ce délicat spectacle s’installe durant le Festival Off d’Avignon au Buffon théâtre.
Dans la lignée, de son précédent spectacle, Jeanne et Marguerite, Françoise Cadol poursuit son désir de faire entendre des paroles de femme. Ce nouveau portrait est séduisant. Betty s’est avant tout un immense sourire, celui que l’on adresse au monde, pour dire que l’on est heureuse. Pourtant, enfant, elle a connu ce gouffre que peut-être la mort d’une mère. C’est peut-être pour cette raison qu’elle a décidé de dévorer la vie, d’y mordre dedans à pleine dent. À 30 ans, elle devient modèle pour un artiste dont le projet est de photographier le temps qui passe. Chaque année, elle viendra dans son studio se faire tirer le portrait, toujours la même pose. Et voilà, tel Dorian Gray, son visage demeure le même. Betty ne vieillit que de l’intérieur, l’extérieur garde toute la fraîcheur et la beauté d’une trentenaire. Et ce n’est pas un cadeau que lui a fait la vie.
Accepter ses rides
C’est ce qu’elle nous raconte, cette difficulté à posséder physiquement sa jeunesse alors qu’autour d’elle, mari, fiston, amis, suivent le court normal des choses de la vie. Durant vingt ans, elle va tenter de composer avec et de faire des petits arrangements. La seule solution pour ne pas finir totalement en désaccord avec le monde qui l’entoure, pour retrouver sa place, sera de faire de la chirurgie esthétique, mais au contraire, c’est de rides qu’elle a besoin, pas d’un lifting.
Une belle adaptation
Dans son adaptation, Françoise Cadol, respectant les mots de l’auteur, a su garder la petite musique de l’auteur entre autres, de La liste de nos envies. Ce texte nous parle de ces choses si importantes que sont les traces de la vie sur nos visages et notre corps. L’éternelle jeunesse est un cauchemar, parce que cela coupe des réalités, cela enferme dans des mensonges où l’on finit par se perdre. Ce qui nous a touché le plus est le fait que si Betty s’arrête de vieillir à 30 ans, c’est parce qu’inconsciemment, elle se refuse à dépasser physiquement l’âge auquel sa mère est morte. C’est comme un filin qui la retient et qu’elle va apprendre à se délester. Et cela parle.
Une actrice sublime
Dans une mise en scène au cordeau de Tristan Petitgirard, Françoise Cadol est rayonnante, lumineuse dans le rôle de Betty. De sa voix envoûtante, avec beaucoup de délicatesse et de talent, elle fait entendre cette fable qui nous pousse à réfléchir sur nous-même, sur notre rapport à la vie, au passé auquel on s’accroche, au temps qui passe et surtout à l’avenir. Et c’est ça qui est beau.
Marie-Céline Nivière
La femme qui ne vieillissait pas d’après Grégoire Delacourt
Comédie Bastille
5 rue Nicolas Appert
75011 Paris
Du 18 septembre au 19 décembre 2023.
Les lundis à 21h, les mardis à 19h.
Durée 1h10.
Lucernaire
53 rue Notre-Dame-des-Champs
75006 Paris.
18 janvier au 12 mars 20223.
Du mardi au samedi à 21h, dimanche 17h30.
Festival OFF d’Avignon
Buffon théâtre
18, rue Buffon
84000 Avignon
Du 7 au 31 juillet 2021
A 15h25, relâche les mardis 13, 20 et 27 juillet
Adaptation et interprétation – Françoise Cadol
Mise en scène de Tristan Petitgirard de Bérengère de Pommerol
Décor de Pauline Gallot
Lumières de Denis Schlepp
Musique de Romain Trouillet
Costume d’Alice Touvet
voix Off David Krüger
Crédit photos © Fabienne Rappeneau