Transverse Orientation de Dimitris Papaioannou. TNP. Biennale de la danse. © Julian Mommert

Transverse orientation, le dernier et puissant rêve noir de Dimitris Papaioannou

À la Biennale de la danse, Dimitris Papaioannou crée l’évènement en démystifiant contes et légendes, d’hier, d’aujourd’hui.

Au TNP dans le cadre de la Biennale de la danse, Dimitris Papaioannou crée l’évènement en démystifiant contes et légendes, d’hier, d’aujourd’hui. Ciselant les corps, les mouvements dans un geste artistique total, le chorégraphe et plasticien grec entraîne le spectateur dans un rêve éveillé de près de deux heures, entre beauté sidérante et monstruosité sublimée.

À Villeurbanne, récemment désignée pour être la capitale française de la culture 2022, un événement d’envergure se prépare. Au TNP, toujours occupé depuis mars dernier, Dimitris Papaioannou, l’astre noir de la danse contemporaine, présente, en exclusivité mondiale, Transverse orientation. Prête depuis plus d’un an, cette pièce fleuve de plus d’une heure 45 n’a eu de cesse de voir sa première repoussée, chamboulée par la crise sanitaire. À l’occasion de la Biennale de la Danse, et avant d’être à l’affiche de Montpellier Danse en juillet, du Théâtre du Châtelet dans le cadre des Hors les murs du Théâtre de la Ville en septembre, elle voit enfin le jour… Attention, les yeux, le chorégraphe grec signe une œuvre totale, graphique, bourrée de références, un joyau parfaitement poli dont les images, les tableaux vont longtemps hanter songes, cauchemars et rêves.

Du Grec Chirico à l’Italien Botticelli
Transverse Orientation de Dimitris Papaioannou. TNP. Biennale de la danse. © Julian Mommert

Sur la scène de la salle Roger Planchon, une estrade en bois a été aménagée. Elle renferme bien des mystères. Au fil d’un temps qu’il étire à l’envi pour déployer ses idées, ses réflexions sur le monde, son regard sombre, ténébreux sur le passé, le présent, le futur, Dimitris Papaioannou invite à plonger dans un univers de légendes. Convoquant Minotaure, Aphrodite sortant des eaux, sirène,corps difformes, corps sans visage, glaciers en perdition, il réinvente tout un bestiaire fabuleux, construit. Très graphique dans son écriture, dans la gestuelle lente qu’il impose à ses danseurs, il esquisse au fusain une épopée fantasmagorique qui déconstruit les mythes fondateurs de nos sociétés contemporaines. Diplômé de l’École des beaux-arts d’Athènes, il se nourrit entre autres, des statutaires grecs, des œuvres de Bosch, de Chirico, de Botticelli, s’appuie sur les partitions de Vivaldi pour déployer son canevas, croquer la fin d’une époque, les dérives sociétales et les catastrophes environnementales qui menacent la planète. 

La nudité, tout un symbole

Faisant suite à ses autres créations, comme The Great TamerDimitris Papaioannou met à nu ses danseurs – Damiano Ottavio BigiŠuka HornJan MöllmerBreanna O’MaraTina PapanikolaouŁukasz PrzytarskiChristos StrinopoulosMichalis Theophanous. Il s’appuie sur leur plastique sculpturale, musculeuse pour mieux souligner son propos, pour mieux questionner les origines de l’humanité, la nature intrinsèque de l’Homme. Tantôt charnel ou sexuel, tantôt radical, frontal ou esthétisant, les corps se mêlent, se détachent, s’exposent sans pudeur et sans voyeurisme. Ils subliment, transcendent l’écriture si maitrisée, si virtuose du chorégraphe, donnent à sa pensée une densité troublante, saisissante. Bien évidemment, il y a clairement dans cette gestuelle sensuelle, violente, une charge homo-érotique, que vient sublimer, adouber la présence tutélaire de la femme, de la mère. 

De l’épure au chaos
Transverse Orientation de Dimitris Papaioannou. TNP. Biennale de la danse. © Julian Mommert

Chantre du désordre, Dimitris Papaionnou creuse les failles du monde, ses outrages, ses noirceurs. Du réchauffement climatique à la fin de l’homme, du néon qui grésille à l’échelle qui se tord, du corps de la femme qui se déforme au fil du temps, il crée des êtres hybrides, de nouveaux êtres, des conquérants autant bâtisseurs que destructeurs. Jouant des métaphores, détournant les codes, les images, il vient déranger le spectateur, le malmener dans son intimité en lui imposant la beauté radicale de ses pires fantasmes, en magnifiant l’angoissant, le terrifiant. Vulve magnifiée, chimère à tête de madone et corps masculin, minotaure enfantant des monstres, il fait de nos cauchemars des tableaux bouleversants, éblouissants. 

Un tableau époustouflant de beauté

Porté par la présence irradiante de ses interprètes, par leur engagement physique sans faille, Dimitris Papaionnou conjugue anges et démons dans un long tableau de près de deux heures, où tout est essentiel, rien n’est superflu tout est réfléchi. De la Biennale de Danse à Montpellier danse, du festival d’Avignon – avec le duo INK créé pendant le confinement – , au théâtre de la Ville, l’artiste grec, à qui l’on doit notamment, la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques d’Athènes en 2004, revient en force et forme sur le devant de la scène. Bravo !

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore

Transverse Orientation de Dimitris Papaioannou. TNP. Biennale de la danse. © Julian Mommert

Transverse orientation de Dimitris Papaioannou
Création Mondiale
TNP-Villeurbanne dans le cadre de la Biennale de la Danse 
jusqu’au 6 juin 2021
Durée 1h45

Tournée
les 2 et 3 juillet 2021 au Corum- Opéra Berlioz, Montpellier Danse
du 7 au 11 septembre à 20h au théâtre de la Ville hors les murs – Théâtre du Châtelet

Conception, visualisation et direction de Dimitris Papaioannou 
Avec Damiano Ottavio Bigi, Šuka Horn, Jan Möllmer, Breanna O’Mara, Tina Papanikolaou, Łukasz Przytarski, Christos Strinopoulos, Michalis Theophanous

Crédit photos © Julian Mommert

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