Après avoir présenté sur France 5 et Culturebox une version filmée de son adaptation de Mithridate de Racine, faute d’avoir pu le créer à l’automne dernier, Eric Vigner fera avec cette création tout en contraste et justesse, l’ouverture du TNS, le 31 mai prochain. Dirigeant au plateau rien moins que Stanislas Nordey, Thomas Jolly et Jutta Johanna Weiss, il propose une vision contemporaine de ce drame sombre pour mieux en libérer les émotions.
Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
Le premier, je ne me souviens plus. Ce devait être dans l’enfance à l’amicale Laïque de Janzé, en Bretagne. Du théâtre amateur.
Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
Ma grand-mère maternelle qui tenait les postes à essence du garage familial Peugeot. Derrière le garage, il y avait le cimetière, on pouvait le traverser pour aller à l’école. Tous les jours ou presque en rentrant de l’école, elle me racontait l’histoire des morts. Je veux croire que cette fréquentation quotidienne du récit de la vie des morts à fait naître cette vocation théâtrale.
Qu’est-ce qui a fait que vous avez choisi d’être metteur en scène ?
C’est le théâtre tout entier qui m’a choisi. Tous ses aspects me passionnent avec peut-être dés le départ l’ambition secrète de devenir un jour metteur en scène en ayant travaillé tous les aspects du théâtre, le jeu, le texte, l’espace. J’ai fait des études d’arts plastiques, parallèlement aux cours du conservatoire de Rennes, de l’école de la rue Blanche et du CNSAD. Avant d’exercer le métier d’acteur, j’ai réalisé des décors et des costumes avant ma première mise en scène.
Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
Le premier spectacle professionnel a été fondamental, il s’agissait d’Elvire Jouvet 40 d’après les leçons de louis Jouvet au conservatoire de Paris en 1940 dans une mise en scène de Brigitte Jaques-Wajeman. J’étais élève au conservatoire dans la classe de Michel Bouquet et le soir, je jouais au coté d’un immense acteur qui était Philippe Clévenot. J’apprenais de Jouvet et de l’art de l’acteur avec Philippe. Il n’y avait pas de décor dans cette mise en scène. Nous jouions sur le proscénium devant le rideau de fer du théâtre de l’Athénée et dans la salle. Ce spectacle m’a aussi fait découvrir le monde avec plusieurs années de tournées internationales.
Votre plus grand coup de cœur scénique ?
Le plus grand choc artistique au théâtre, c’est la mise en scène de Bérénice de Racine par Klaûs michael Gruber à la Comédie-Francaise. Souvenir indélébile.
Quelles sont vos plus belles rencontres ?
Il en a beaucoup. Ce sont avant tout celles des écrivains. S’il fallait choisir un homme et une femme que j’ai réellement rencontrés et aimés, ce serait Roland Dubillard pour ma première mise en scène et puis bien sûr Marguerite Duras qui m’a donné les fondamentaux du théâtre que je désirais faire.
En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
Ce n’est pas un métier, c’est une passion dont je suis habitée depuis l’enfance sans très bien comprendre pourquoi. Elle n’est pas dissociable de ma vie. C’est ma vie.
Qu’est-ce qui vous inspire ?
Tout à vrai dire. J’ai la chance de vivre au bord de l’océan Atlantique, cela m’inspire et me nourrit. La nature humaine. L’art. La littérature. La musique.
De quel ordre est votre rapport à la scène ?
Kinesthésique.
À quel endroit de votre chair, de votre corps, situez-vous votre désir de faire votre métier ?
C’est un peu intime, mais je dirais sexuel.
Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
Ceux avec qui je travaille déjà. Je n’ai pas de désir de cet ordre sur une envie à priori. Chaque projet est diffèrent et rencontre un certain nombre d’autres artistes qui arrivent naturellement. Des auteurs et des acteurs. C’est toujours une histoire de désir, d’amour et de rencontre.
À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
Celui que l’on me proposera peut-être et dont je n’ai pas la moindre imagination.
Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
Ma vie ne peut être une oeuvre, mais s’il y a une œuvre qui me touche intimement, c’est celle de Piero della Francesca.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Mithridate Jean Racine
Mise en scène et scénographie Éric Vigner
Avec Thomas Jolly,Philippe Morier-Genoud, Stanislas Nordey, Jules Sagot, Yanis Skouta, Jutta Johanna Weiss
Partage de Midi de Paul Claudel
Mise en scène d’Eric Vigner
TNS
Crédit photos © Jutta Johanna Weiss et © Jean Louis Fernandez