Égrenant les mélodies ensorcelantes de sa kora au fil des mots, des émotions, le virtuose malien, Ballaké Sissoko convoque sur son dernier album, Djourou, sept artistes d’univers très différents. Entre rêves d’ailleurs et poèmes d’aujourd’hui, le virtuose malien signe une œuvre sensible, délicate et songeuse. A écouter sans modération.
Deux empreintes de main, tout juste esquissées, l’une noire, l’autre rouge, tentent de s’étreindre, de se rencontrer. Au diapason de la musique composée par Ballaké Sissoko, la pochette de son dernier album Djourou joue la carte de la sobriété, tout un invitant à réveiller nos imaginaires engourdis par la morosité ambiante. Invitant à une rêverie intemporelle sept interprètes, venant d’horizons très différents, le musicien compose neuf chants poétiques, ensorcelants et méditatifs.
Dépasser les frontières
Héritier d’une longue lignée de djélis, détenteurs de la tradition orale du peuple manding, Ballaké Sissoko conjugue, avec virtuosité ,sonorités traditionnelles et sons venus d’ailleurs. De la voix grave d’Arthur Teboul, chanteur du groupe de rock Feu ! Chatterton, à celle cristalline de Camille, des chants chaleureux de Salif Keita à ceux parlés, presque slamés, du rappeur Oxmo Puccino, l’artiste malien convie à un voyage musical à travers différents univers, différents styles liés uniquement par les reafs de sa kora, une sorte de Harpe-Luth originaire de sa terre natale.
Échanges intimistes
Véritable album de rencontres, Djourou s’écoute au calme, à oreilles feutrées. Faits de rondeurs, de douceurs, les morceaux se sont construits autour d’entrevues voulues par le musicien ou suggérées par Laurent Bizot, fondateur du label indépendant Nø Førmat! et par Corinne Serres, sa manageuse. Avec fluidité, aisance et connivence, les notes, les mots se sont cherchés, frottés, nourris. Partant d’improvisations, d’inspirations multiples propres à chaque artiste, chaque mélodie a grandi dans le cocon intime d’entretiens artistiques, créatifs. Rien n’a été prémédité, préparé, tout est né du moment présent, du tête-à-tête.
Son d’ailleurs, mots d’aujourd’hui
Toute la richesse de Djourou, sa beauté quasi immuable, vient de ce mélange des genres, de ces allers-retours permanents entre passé et présent. Hors du temps, dans une bulle aoutée, la musique de Ballaké Sissoko s’insinue par tous les pores de la peau. Elle plonge dans un état second entre rêve et réalité, entre Afrique et Europe. Dégageant une sorte de quiétude, elle invite à la contemplation, à la paix intérieure, au partage silencieux.
Avec ce nouvel opus épuré, métissé, le koraïste touche juste. Sincérité et intimité des dialogues musicaux titillent l’imaginaire et permettent d’envisager demain avec sérénité.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Djourou de Ballaké Sissoko
Nø Førmat ! (PIAS- Idol).
Crédit photos © Ggal et © DR