Artiste associé du théâtre 14, Yuming Hey fait partie de ces comédiens rare à l’aura irradiante et envoûtante. Mowgli chez Bob Wilson, jeune prostitué à l’étrange et hypnotique charisme dans l’adaptation scénique d’Un garçon d’Italie de Philippe Besson, il répète actuellement à la Ménagerie de Verre, avec son complice de longue date, Mathieu Touzé, Que font les rennes après Noël ? D’après le roman d’Olivia Rosenthal. Rencontre avec un artiste hors du commun.
Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
Mon plus lointain souvenir est un spectacle de maternelle dans lequel jouait ma grande sœur. Ils reprenaient Le bossu de Notre-Dame. Je pense que ce n’était pas de l’art, mais pour moi, c’était magique. Je me souviens très nettement la fille jouant Esmeralda et la chanson Nous sommes des sans-papiers. Pendant des semaines, après ça, j’ai été Esmeralda. Ça a marqué mon amour pour la Comédie musicale.
Sinon quand on me dit « souvenir d’art vivant« , je pense immédiatement à Intérieur, mis en scène par Claude Regy. Ça a été une révolution vécue de l’intérieur de voir ça.
Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
Je crois qu’on appelle ça une vocation ? Je n’ai pas eu de déclencheur particulier.
Simplement, les sensations que j’ai éprouvées, la toute première fois sur scène, en maternelle, pour chanter « pirouettes-cacahuettes » , je m’en souviens encore et je n’ai jamais cessé de leur courir après. J’ai un amour pour le jeu. J’ai appris des films et des pièces de théâtre très tôt (Je pense que je connais encore par cœur en imitant les voix françaises : Spy Kids, Crossroads, Freaky Friday, le one-woman show de Julie Ferrier, Aujourd’hui, c’est Ferrier…). J’ai commencé le théâtre à 5 ans.
Qu’est ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédien ?
Je crois que mon corps, ma voix, mon être sont faits pour être interprète. Interprète de textes, de chansons, de danses, de mouvements. Je me suis essayé à d’autres casquettes : j’ai écrit une pièce que j’ai mise en scène. Mais je trouve que des auteurs racontent mieux que moi ce que je veux dire, que des metteurs en scène voient plus loin la direction d’acteurs que moi. J’aime additionner mon imaginaire aux leurs. Être comédien est l’endroit d’où j’apprends le mieux à me connaître.
Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
J’ai souvent la sensation de faire un premier spectacle. Notre Faust mis en scène par Robert Cantarella est le premier spectacle avec lequel j’ai eu mes premiers cachets, A midsummer night’s Dream, le premier opéra mis en scène par Jacques Vincey, Actrice mis en scène par Pascal Rambert, la première tournée, Jungle Book mis en scène par Bob Wilson, première tournée mondiale, Une absence de silence mis en scène par Mathieu Touzé, premier monologue… Et ce dernier spectacle (qui s’appelait à l’époque L’amour est l’affection qui survit à un instant de bave) est le tout premier spectacle dans lequel Mathieu Touzé m’a mis en scène, voilà ça fait une boucle. Et le souvenir que j’en ai, était de n’avoir jamais autant travaillé. J’ai la même sensation aujourd’hui, mais avec l’impression que j’ai mille fois plus travaillé cette fois-ci.
Vos plus grands coups de cœur scéniques ?
Je pense que mon plus grand coup de cœur artistique (excepté Mathieu Touzé) est Pascal Rambert. La pièce coup de cœur a été Clôture de l’amour, je ne savais pas qu’on pouvait faire du théâtre comme ça. Je l’ai vu 12 fois. J’ai emmené toute ma famille, tous mes amis… Je voulais que tout le monde voit ça. L’énergie d’Audrey Bonnet et Stanislas Nordey est rare. Quand j’ai rejoint le programme Ier Acte initié par Stanislas Nordey, nous avons décidé de jouer Clôture de l’amour au Théâtre National de La Colline. Ier Acte est ma première équipe GROS coup de cœur.
La deuxième équipe coup de cœur est Actrice, écrit et mis en scène par Pascal Rambert, avec Audrey Bonnet, mon mentor, Marina Hands, ma marraine, Lyna Khoudri, Laetitia Somé, mes amies de Ier Acte, Pauline Roussille, la meilleure. Il y avait Hélène Thil, Sabine Aznar avec qui je continue de travailler aujourd’hui. Les rencontres de cette équipe ont constitué ma manière de faire du théâtre et avec qui.
Puis Il y a eu Lac écrit par Pascal Rambert, mis en scène par Mathieu Touzé, qui a révolutionné ma manière d’investir un texte.
Puis, Soeurs la pièce coup de poing.
Il était évident pour moi de demander à Pascal Rambert d’inaugurer le Théâtre 14 dirigé par Mathieu Touzé et Edouard Chapot, auquel je suis associé. Il nous a offert Le début de l’A avec Marina Hands et lui-même et Clôture de l’amour (pour la première fois avec Audrey Bonnet et sa fille dans le chœur.) Ils ont signé les loges. Ce mec est un distributeur d’amour et d’art.
C’est grâce à lui que nous sommes programmés à La ménagerie de verre en ce moment.
Quelles sont vos plus belles rencontres ?
Toutes les personnes avec qui je peux parler d’art pendant des heures ou créer. Pour en citer quelques-un.es : Mathieu Touzé, Pascal Rambert, Audrey Bonnet, Bob Wilson, Isabelle Huppert, Philippe Chevilley, Arnaud Laporte… … … Mes ami.e.s (essentielles à mon équilibre)
En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
Je ne suis pas sûr que ce soit complètement sain mais mon métier est mon être. C’est ma vie. Être artiste c’est une façon de vivre et de voir le monde.
Qu’est-ce qui vous inspire ?
La mode, énormément. Les acteurs et les actrices. On a une chance incroyable d’avoir autant d’actrices françaises aussi puissantes !
De quel ordre est votre rapport à la scène ?
C’est l’endroit que je comprends le mieux au monde. C’est aussi celui où je suis le plus révélé donc le plus moi, le plus sincère. Je comprends l’espace, le rythme, la lumière et tout ça me fascine.
A quel endroit de votre chair, de votre corps situez-vous votre désir de faire votre métier ?
L’estomac. Tout un programme…
Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
Il y en a tellement ! Disons qu’il y a des univers qu’il faut absolument que je traverse : celui de Xavier Dolan, de Krystian Lupa, d’Alain Françon ou Arthur Nauzyciel, Maiwenn… La liste est longue. Il y a là dans le rythme ou la direction d’acteurs quelque chose qui me fascine. Il y a aussi des acteurs et des actrices que j’aimerais rencontrer sur le plateau.
A quel projet fou aimeriez-vous participer ?
J’aurais adoré participer aux 18 heures de Thomas Jolly, aux 24 heures de Jan Fabre ou aux 11 heures de Julien Gosselin. J’adore quand le jeu devient une performance. Ou à la Comédie musicale Starmania mise en scène par Thomas Jolly.
Comme projet un peu fou qui arrive : je jouerai dans Le soulier de Satin mis en scène par Stanislas Nordey à l’Opéra Garnier. 6h30 (c’est pas mal pour commencer…)
Si votre vie était une œuvre, qu’elle serait-elle ?
J’ai littéralement vu ma vie en voyant le film Call me by your name, il y a des scènes entières que j’ai vécues (je ne dirais pas lesquelles 😉
Olivier Fregaville-Gratian d’Amore
Elle pas princesse, Lui pas héros de Magali Mougel, mise en scène Johanny Bert
Théâtre 14
The Jungle Book d’après Rudyard Kipling, mise en scène Bob Wilson
Festival d’automne à Paris
Théâtre de la Ville
Actrice de Pascal Rambert
Théâtre des Bouffes du Nord
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