Depuis la fin octobre, les portes du MAIF Social Club sont fermées au public. Loin de se laisser abattre par cette triste fatalité qui touche tous les lieux culturels, Chloé Tournier, programmatrice du lieu, continue d’imaginer des dispositifs permettant de garder le lien avec les scolaires. Prolongée jusqu’en avril, l’exposition Trop Classe ! se réinvente tous les jours.
Les scolaires ont-ils accès au lieu et dans quelles conditions ?
Actuellement, le MAIF Social Club est fermé aux scolaires – notre statut administratif ne nous permet en effet malheureusement pas d’ouvrir et d’accueillir des groupes au regard des normes sanitaires actuellement en vigueur.
Les scolaires n’ont pas accès au lieu mais le lieu a accès aux scolaires : nous avons mis en place trois dispositifs itinérants qui s’installent de manière temporaire au sein des établissements éducatifs, de la maternelle au Lycée.
Le premier projet est le spectacle Ma Maitresse, proposé par la Compagnie Sauf le Dimanche. En mars, nous organisons, pas moins de 67 représentations, nous adressant ainsi à 1650 élèves de la région Ile de France, de 3 à 18 ans. Ce dispositif sera remis en place ensuite en mai, pour une vingtaine de représentations. Il s’agit d’un solo de danse contemporaine pour salle de classe, proposé par une danseuse, à la surprise des élèves.
Le second projet est le Mobilab : un fablab itinérant, que nous avons installé pendant quinze jours au sein d’un département SEGPA du collège de l’Europe à Chelles. Cet objet fait partie intégrante de l’exposition Trop Classe !, qui a donc pris aussi la route pour aller aux devants des élèves. Actuellement accueilli dans différents Centre d’Hébergement d’Urgence, le Mobilab retournera auprès des scolaires en Alfortville, en mai, au sein d’un collège.
Enfin, le troisième et dernier dispositif est la délocalisation – au sein des écoles – des ateliers scolaires et familles. En « temps normal » nous accueillons deux classes par jour au sein du lieu, rue de Turenne. Nous leur proposons des visites de l’exposition, amis aussi des ateliers de pratique. Tous les ateliers ont été maintenus en déplaçant les intervenants au sein des écoles. C’est ainsi que des classes de CE2 ont pu « fabriquer des éoliennes » à l’école par exemple.
Vous avez décidé de prolonger l’exposition, jusqu’en avril. Quels en sont les motifs ?
Nous avons la chance d’être un lieu « agile ». Le MAIF Social Club est une structure à taille humaine, avec une marge d’autonomie importante. Cette liberté est un luxe, au moment de pouvoir – ou non – prendre des décisions comme celle-là. On a vu ces dernières semaines des expositions ouvrir et fermer sans avoir rencontrer le grand public, cela me semble un gâchis terrible et à tous les niveaux : artistique, humain, financier, écologique.
Je suis heureuse que nous ayons pu ralentir le rythme effréné de production en réorientant notre projet autour de ce qu’il était possible de faire : des projets artistiques à domicile, en établissements scolaires, en centre d’hébergement d’urgence, des résidences artistiques, des présentations professionnelles.
Cela était aussi important de préserver Trop Classe ! – l’exposition actuelle – pour qu’elle soit vue du Grand Public, et pour que les artistes que nous soutenons bénéficient de la visibilité que nous pouvions leur apporter.
C’était enfin primordial de préserver « Matières à Mijoter », notre prochaine exposition autour de l’alimentation qui devait initialement ouvrir le 11mars : nous avons préféré la reporter au 1er octobre pour lui donner de plus jolies conditions d’ouverture.
Est-ce important pour vous que l’exposition sur la transmission du savoir perdure à travers le temps ?
Ce qui me semble primordial aujourd’hui c’est que les différentes initiatives que nous avons prises pendant cette dernière année qui a été chahutée pour les lieux culturels puissent perdurer dans le temps.
Aujourd’hui nous réfléchissons à pérenniser les dispositifs itinérants, que ce soit dans les institutions scolaires, à domicile ou dans les centres d’hébergements d’urgence. Cela nous a permis d’inventer de nouvelles formes relationnelles entre des projets artistiques et des publics, de créer des formats plus légers et « tout terrain? », et de trouver finalement beaucoup de sens dans ces actions.
La réouverture du MAIF Social Club – quand elle sera possible, ne signifiera pas un retour « au monde d’avant », mais bien la complémentarité entre une programmation « in situ », puisque dans le lieu nous accueillons en moyenne 250 personnes par jour – et une programmation itinérante. Nous préparons en ce sens de nouveaux partenariats pour la saison 2021 – 2022, avec notamment un projet au sein d’un Ephad à Bobigny.
De la même manière les projets numériques et les formats « à distance » que nous avons pu mettre en place nous ont amenés vers d’autres publics : des publics qui ne sont pas parisiens ou franciliens par exemple, ou alors des publics qui ont plus de difficultés à se déplacer chez nous. Ces formats-là seront donc aussi pérennisés et nous aurons une programmation « en ligne » d’ateliers pour petits et grands dès septembre 2021.
Par contre le système de programmation qui est la ligne éditoriale du MAIF Social Club, à savoir une thématique semestrielle qui donne le la de toutes nos propositions, restera bien opérationnel.
Dès que cela sera possible pensez-vous reporter certains spectacles ou en présenter de nouveau ?
Durant toute la période passée nous avons pu accueillir quelques spectacles en représentations pros, comme avec Lisa Guez ou prochainement Naomi Fall. Nous avons aussi proposé des spectacles Hors les murs.
Nous avons travaillé cette politique de maintien des spectacles qui ont pu s’adapter et jouer dans d’autres espaces. Pour tous les autres il y a des dates de report prévu, qui s’étalent entre avril 2021 (report du spectacle Histoire de Fouilles de David Wahl – initialement programmé en avril 2020 ou encore Maryse, initialement programmé en décembre 2020) et … avril 2022 ! Certains spectacles ont été reportés jusqu’à trois fois, comme De la morue de Frederic Ferrer !
Sur la saison 2021 – 2022 nous accueillerons toutefois principalement des projets nouveaux, en travaillant par exemple avec Tania el khoury, KetiIrubetagoyena, Caroline Melon ou encore David Geselson.
Etes-vous déjà en train de préparer la suite ?
Bien sûr ! Nous inaugurerons le cycle « Matières à mijoter » fin septembre. Nous parlerons alimentation pendant 5 mois, avant de nous plonger dans la seconde thématique de la saison autour des notions de voyages / vacances et tourisme.
Et nous continuons nos projets en commun avec le festival Les traversées du Marais (premier week-end de septembre, dans le cadre du réseau Marais Culture +), ou encore Les enfants d’abord (festival de 6 mois à 6 ans, en décembre).
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Trop la classe !
Exposition au Maif Social Club
37 rue de Turenne
75003 Paris
jusqu’en avril 2021
Accès libre hors période de confinement
Crédit photos © Louise Carrasco, © GaëlleMagder © Morgane Moal