Au théâtre de Sartrouville, Sylvain Maurice travaille avec gourmandise une adaptation scénique de six nouvelles de Raymond Carver. S’ingéniant à retranscrire avec justesse et réalisme la vie des plus modestes, l’écrivain américain croque avec son style dépouillé les maux et les travers de la société. De cette matière puissante, savoureuse, le directeur des lieux signe un spectacle jazzy et décalé, un vrai délice qui verra normalement le jour en juin.
Au nord-ouest de Paris, bien après Nanterre, à quelques encablures de Rueil-Malmaison, le Théâtre de Sartrouville Yvelines CDN, vaisseau de verre et de béton trône au cœur d’une cité, en bordure d’une voie de chemin de fer. Lieu de création, poumon artistique de la ville, la bâtisse accueille en temps normal des ateliers de pratique scénique ou bien s’invite hors de ses murs dans les écoles, les lycées avoisinants afin d’aller à la rencontre du territoire et de nouveaux publics. Fermé actuellement en raison de la pandémie et du choix du gouvernement de maintenir clos tous les centres culturels, la maison dirigée par Sylvain Maurice prépare l’avenir, se tient prête dès que cela sera possible à ouvrir en grand ses portes.
Des répétitions ouvertes à quelques professionnels
En attendant de pouvoir présenter son travail, Sylvain Maurice a décidé d’ouvrir certains des filages et des répétitions de sa prochaine création à quelques personnes. Après nous avoir enchanté en plongeant dans la prose de Lagarce en octobre dernier, le metteur en scène, formé au milieu des années 1980 à l’École du Théâtre National de Chaillot dirigé à l’époque par Antoine Vitez, prend un malin plaisir à insuffler la vie aux mots du nouvelliste américain Raymond Carver. Entouré de quatre comédiens, une chanteuse et trois musiciens, il revisite l’univers feutré des foyers américains des années 1960 aux années 1980.
Du grand art
Encore en maturation, en rodage, le spectacle ne se frottera au public qu’en juin prochain. Et pourtant, tout est déjà-là. Travaillées avec précision, les lumières ciselées par Rodolphe Martin lèchent magnifiquement, grâce à de très maîtrisés clairs obscurs, l’espace scénographié avec épure par Sylvain Maurice et Antonin Brouvet. Dans cet écrin stylisé rappelant quelques salles mythiques du music-hall des années 1950, l’extraordinaire Jocelyne Desverchère se glisse notamment dans la peau d’une mégère de moins de cinquante ans, envieuse de ses voisins ; l’étonnante Anne Cantineau dans celle d’une mère de famille vampirisant un homme au téléphone ; le troublant Pierre-Félix Gravière dans celle d’un pâtissier maladroit à son corps défendant et le désinvolte Rodolphe congé en médecin un brin cynique. Tous habités d’un feu sacré, d’une belle fringale, s’amusent à donner corps et chair à ces couples confrontés à la convoitise, à la jalousie, à la mort, aux petits aléas du quotidien.
Une Ronde drôle, mélancolique
S’emparant des merveilleux textes de Raymond Carver, Sylvain Maurice déploie avec finesse toute une palette de sentiments et d’émotions, attrape le spectateur, le convie dans une folle et nostalgique farandole. Rien de triste, rien de très gai ? non plus, juste la vie qui s’invite sur le plateau et l’embrasse joyeusement, humainement, mélancoliquement. Enrobant l’ensemble de Short Stories de musiques très années 1950 signées par Dayan Korolicetjouées en direct par Sebastien Llado et William Besserer, le metteur en scène prépare pour le mois de juin, une délicate et délectable friandise. Un spectacle à ne pas rater. Vous serez charmé, c’est garanti !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Short Stories d’après les nouvelles de Raymond Carver
Répétions et filage au théâtre de Sartrouville
Adaptation et mise en scène Sylvain Maurice assisté de Béatrice Vincent
avec Anne Cantineau, Danielle Carton, Rodolphe Congé, Jocelyne Desverchère, Pierre-Félix Gravière et Dayan Korolic (musique)
traduction Simone Hilling, François Lasquin, Gabrielle Rollin
musique originale de Dayan Korolic – trombone Sebastien Llado – sax tenor William Besserer
réalisation informatique et musicale, design sonore basse – Joseph Escribe
collaboration à la scénographie – Antonin Bouvret
lumière de Rodolphe Martin
costumes d’Olga Karpinsky assistée de Lucie Guillemet
coiffures et maquillage de Noï Karunayadhaj
accessoires de Soux et Marine Martin-Ehlinger
construction décor les ateliers du théâtre du Nord – Lille
régie générale et plateau – André Neri
régie son – Eliott Hemery, Cyrille Lebourgeois
régie plateau – Kayla Krog
régie lumière – Sylvain Brunat
habillage – Mélodie Barbe
Crédit photos © Christophe Raynaud de Lage