A F T E R de Tatiana Julien. MCA. Chaillot - Théâtre national de la Danse © DR

Tatiana Julien fête sous ecsta l’après fin du monde

A Chaillot, la chorégraphe Tatiana Julien propose à quelques professionnels de plonger au cœur de sa dernière création, A F T E R.

A Chaillot, salle Gémier, la chorégraphe Tatiana Julien propose à quelques professionnels de plonger au cœur de sa dernière création, A F T E R. Musique à fond, décor à détruire, corps ivres, elle invite aux dernières bacchanales d’un monde en perdition et aux orgies telluriques d’un autre à venir. 

La fête a déjà commencé. Les artistes ont déjà envahi l’espace. Verres à la main, corps à moitié dévêtus, ils titubent, se déhanchent, hurlent face à la nuit qui envahit leur âme. Dans une cabane de fortune, les derniers êtres encore vivants n’ont plus de domicile fixe. Ils errent dans un état second, refusant de voir la vérité en face. La fin du monde est imminente, plus rien ne peut l’endiguer. 

Le stupre comme dernière planche de salut 
A F T E R de Tatiana Julien. MCA. Chaillot - Théâtre national de la Danse © DR

Aveugles au drame imminent, à la catastrophe naturelle et écologique qui menace leur mode de vie, nos derniers humains continuent comme avant. Ils s’enivrent d’alcool, dansent jusqu’à l’épuisement, planent dans un ailleurs fantasmé. Les corps s’entremêlent. Il n’y a plus d’hommes, de femmes, de genre, juste des êtres esseulés qui se raccrochent à leur dernière étincelle d’humanité. Sexualité et sensualités exacerbées pour les uns, rituels rappelant leur existence de mortels pour les autres, comme ce jeune homme qui repasse à la main sa chemise tachée, froissée, tout pour ne pas sombrer, ne pas s’enfoncer dans l’obscurité. 

Tout casser pour tout réinventer

Faire table rase du passé, pour mieux imaginer l’avenir, c’est au pied de la lettre que Tatiana Julien s’empare de cette maxime. À coup de pieds, de poings, de barres de métal trouvées çà et là dans le décor, nos zombies, qui ont bu jusqu’à la lie le dernier souffle d’un monde à l’agonie, détruisent, réduisent à l’état de poussière le décor signé Eclectik Sceno. Rien de doit subsister. Pour vivre à nouveau, il faut retourner basique, retrouver la terre originelle. 

L’après sera beatnik 
A F T E R de Tatiana Julien. MCA. Chaillot - Théâtre national de la Danse © DR

Alors que les discours écologiques remixés par les bons soins de Gaspard Guilbert, servent de bandes sons électro, Mathieu BurnerAnna GaïottiSidonie DuretJulien Gallée-FerréClémence GalliardFlorent HamonGurshad Shaheman et Simon Tanguy se réapproprient lentement le monde. Nus comme des vers ou très peu vêtus, ils retournent à leur état animal avant de communier tous ensemble, les uns enchevêtrés dans les autres, tels des posts soixante-huitards partis vivre en Ardèche.

Un maelstrom chorégraphique 

Des idées à profusion, un engagement fort pro féministe, pro écologiste, pro humaniste, Tatiana Julien ne sait plus où donner de la tête. Et c’est peut-être à cet endroit que le bât blesse, que la magie qui opère au premier abord, finit par perdre de son éclat dans une multitude d’effets, de gestes qui ont bien du mal à faire chorégraphie. Pourtant rien n’est laissé au hasard, tous les mouvements sont parfaitement écrits, mais le « bordel » trop construit n’arrive pas à s’ancrer dans une réalité, à toucher.

Victime de la Covid 
A F T E R de Tatiana Julien. MCA. Chaillot - Théâtre national de la Danse © DR

Clairement, le spectacle pâtit des mesures sanitaires. Tatiana Julien, le reconnaît volontiers, le spectacle qu’elle avait imaginé, cette grande fête orgiaque et participative ne peut exister alors que la distanciation sociale est l’un des meilleurs moyens d’empêcher la propagation du virus. Les artistes, tous des performateurs hors pairs, s’en donnent à cœur joie, mais ne peuvent malheureusement entraîner dans leurs délires charnels le public masqué. 

Avec A F T E R, la chorégraphe picarde continue à creuser son écriture chorégraphique faite de colère, de rage, de dénonciation politique. Un chemin engagé qui n’est pas fait pour plaire à tous, mais bien pour réveiller nos consciences face à l’urgence climatique.

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore

A F T E R de Tatiana Julien 
création les 3 & 4 novembre 2020 à la Maison de la Culture d’Amiens 
Représentations professionnelles les 11 et 12 février 2021 à Chaillot – Théâtre national de la Danse 

Tournée
le 23 février 2021 à l’Espace des Arts, Scène nationale Chalon-sur-Saône
le 26 février 2021 au Théâtre Benoit XII, Festival les Hivernales, Avignon 

Chorégraphie de Tatiana Julien 
Scénographie de Julien Peissel  
Avec Mathieu Burner, Raphaëlle Delaunay, Sidonie Duret, Anna Gaïotti, Julien Gallée-Ferré, Clémence Galliard, Florent Hamon, Gurshad Shaheman, Simon Tanguy 
Musique et son de Gaspard Guilbert  
Lumières de Kevin Briard 
Régie plateau de Serge Ugolini
Archives sonores – Catherine Jivora
Costumes de Catherine Garnier  
Assistants à la chorégraphie – Anna Gaïotti, Yoann Hourcade, Sylvain Riejou
Regards extérieurs – Dalila Khatir, Camille Louis
Construction décor-  Eclectik Sceno  

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