Au centre Pompidou, où il répète avec ses danseurs depuis plusieurs jours, Qudus Onikeku peaufine sa dernière création, une œuvre bariolée, dense qui puise sa folle énergie dans la philosophie Yoruba et le concept de réincarnation. Hommage vibrant et furieusement assourdissant au foisonnement culturel et musical du Nigéria.
Un soleil d’hiver inonde les rues de Paris, faisant ressortir les bleus, les rouges, les verts des tubes métalliques qui constituent la façade est du centre Pompidou. Passé le sas de sécurité, c’est un immense hall étrangement vide qui s’offre à nos yeux. Aucune âme qui vive à l’horizon. Le musée est fermé, quelle tristesse ! Les restrictions sanitaires en vigueur en ont décidé ainsi. Au sous-sol, le lieu prend vie. Devant la salle de spectacle, un tout petit nombre de professionnels attendent de découvrir la dernière création de Qudus Onikeku, à la tête de The QDance Company.
Une création mondiale bouleversée par la covid
Tout a commencé, il y a cinq ans. Formé au CNAC fin des années 2000, Qudus Onikedu entame une belle carrière en France. En 2014, il décide de rentrer dans son pays natal, de s’installe à Lagos, ville qui l’a vu naître en 1984. Fort de son expérience, il crée le QDance center, un lieu de ressources, de formations et de repérages de talents. S’adressant à la nouvelle génération d’artistes qui peuplent la ville, il imagine un spectacle qui donne le pouls d’un nouveau souffle chorégraphique où tradition, danse contemporaine et urbaine se conjugueraient étroitement. Ainsi depuis un an, il travaille d’arrache pieds avec 10 jeunes danseurs et un musicien. En résidence à Pompidou, une semaine durant, il peaufine et cisèle ette œuvre que le centre culture diffusera en streaming sur son site, le mercredi 27 janvier 2021, à 19.
La philosophie yoruba à coeur
S’inspirant de la culture yoruba dont il est issu, Qudus Onikeku déplie sa pièce en trois parties autour du concept de réincarnation – naissance, mort et re-naissance. Jouant des temporalités, refusant d’être contraint par une linéarité narrative, il se nourrit d’un métissage culturel allant du hip-hop à l’afrobeat, en passant par des danses tribales et l’électro pour écrite une partition joyeuse, éclectique et hétéroclite. Sur scène, les couleurs explosent. Rose, jaune, bleu s’entremêlent en maelstrom bigarré. Le son pulse, vrille les tympans. Forçant l’attention du spectateur, le chorégraphe, frustré de ne pouvoir jouer devant du public, donne tout, quitte à dérouter.
Le noir est une couleur
Passant d’un style à autre, d’un univers bariolé à un autre plus obscur, tout comme le peintre Soulages, Qudus Onikeku s’amuse des nuances de noir. Grâce aux éclairages ciselés de Matthew Yusuf, il sculpte l’espace et le corps de ses danseurs. Plus sobre, cette seconde partie séduit par son étrangeté ténébreuse. La mort n’est pas une fatalité, elle est le passage vers un ailleurs. Aucune tristesse dans le propos du chorégraphe, bien au contraire. Appelant tout un bestiaire de créatures fantastiques, il ramène le défunt à la vie. Fête funéraire, fête de (re)naissance, les artistes, tous virtuoses, sautent, virevoltent, célèbrent le moment présent, le simple fait d’être ensemble.
Tous azimuts
Tirant à hue et à dia, mettant en avant la nouvelle scène nigériane, Qudus Onikeku propose avec Re-incarnation un feu d’artifice dansé, une explosion de mouvements de couleurs et de sons qui finissent par saturer l’espace. Entrechoquant passé et présent, il signe une œuvre chaotique, désordonnée qui fait son charme, sa vitalité mais aussi sa limite. Un spectacle qui d’ici sa présentation au public en mai, devrait se lisser et offrir une bouffée d’oxygène dans un climat particulièrement morose.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Re :incarnation de Qudus Onikeku
The QDance Company
Centre Pompidou
Spectacle filmé le 15 janvier et diffusé sur le site du Centre Pompidou le 27 janvier 2021 à 19h
Tournée
Le 4 mai 2021 à l’Espace des arts – Châlons-sur-Saône
Le 11 mai 2021 au Centre des arts – Enghien les Bains
Le 18 mai 2021 au Théâtre Paul Éluard – Bezons
Le 22 mai 2021 au Théâtre Molière – Scène Nationale de Sète
Le 25 mai 2021 à La Rampe – Echirolles
Le 4 juin aux Halles de Scharbeeck – Bruxelles
Les 8 et 9 juin 2021 au Biennale de la danse – Lyon
Le 15 juin 2021 à l’Espace Sarah Berhnardt- Goussainville
Le 27 juin 2021 au centre culturel l’Imprévu – St Ouen l’Aumône
Conception et direction artistique de Qudus Onikeku
avec Adila Omotosho, Ambrose Tjark, Angela Okolo, Bukunmi Olukitibi, Busayo Olowu, Faith Okoh, Joshua Gabriel, Patience Ebute, Yemi Osokoya, Olatunde Obajeun
Musique d’Olatunde Obajeun
Scénographie & vidéo de Fernando Velázquez, Isaac Lartey
Répétiteur – Sunday Ozegbe
Costumes de Wack Ng
Lumières de Matthew Yusuf
Crédit photos de © Jean Couturier