Avant de fermer pour un peu plus de deux ans de travaux, la Nef du Grand Palais a accueilli, samedi 16 janvier 2021, Boris Charmatz et sa troupe d’artistes pour une ronde folle. S’inspirant de l’œuvre d’Arthur Schnitzler, le chorégraphe chambérien invite ses performeurs à un pas de deux sous l’immense verrière. Une farandole étourdissante, un manifeste vibrant pour une danse en péril, à découvrir dans son intégralité le 12 mars sur France 5.
Paris, 16 janvier, à onze heures du matin, quelques flocons de neige fouettent le visage des rares passants, ayant bravé les frimas de l’hiver pour se balader sur les Champs-Élysées. Plus on se rapproche du Grand palais, fermé en raison des restrictions sanitaires en vigueur, plus le pavé parisien semble désert. Personne à l’horizon devant les grandes portes de la Nef, devant la terrasse abritée du café le Minipalais. Rien ne transparait de ce qui se passe à l’intérieur de l’institution parisienne.
Un décor vide
L’immense dalle de béton surplombée par la fameuse verrière 1900 s’offre nue au regard. Quelques barres de métal sont rangées de-ci de-là, en vue des travaux à venir, une estrade, une régie et quelques invités donnent, au lieu, des airs habités, hantés. Quelques notes résonnent sur la voute de verre, au loin, deux corps s’entremêlent, s’enlacent et virevoltent. Gestes gracieux, mouvements déliés, un homme et une femme dansent. Lui a un corps d’éphèbe séché par des années de pratique de danse classique, elle a les cheveux blancs, la silhouette gracile. Un porté, un pas de côté, le duo se sépare. Lui quitte la scène, la laissant à ses vieilles amours, ses passions dévorantes.
Un spectacle impacté par la crise sanitaire
Pour marquer la fermeture du Grand Palais jusqu’aux Jeux olympiques de 2024, le directeur des lieux, Chris Dercon a souhaité confier à Boris Charmatz, les rênes d’un projet pharaonique. Malheureusement la crise sanitaire a tout balayé. Plus question de foule, de tempête humaine, de danse qui durerait toute la nuit. Dans l’attente d’une réouverture des lieux de culture et de conditions qui permettraient la réunion de plus 400 personnes dans un endroit clos, la première idée du chorégraphe est remisée jusqu’à nouvel ordre. Loin de se laisser abattre, il imagine un tout autre spectacle, une sorte de manifeste, une ode à l’art vivant.
Les Arts en fête
Les mots d’Haneke entre en résonnance avec les notes soufflées par Médéric Collignon de sa trompette, la grâce de Raphaëlle Delaunay répond à la danse tellurique de Frank Willens. Pris dans cette folle farandole, les pas, les gestes, les voix s’entremêlent, se poursuivent pour mieux se conjuguer, se lier. Les saynètes se suivent, se répondent. Les duos s’enchainent, donnent le tournis. Parfois, la tension se relâche. Certaines personnalités retiennent moins l’attention, malgré des interprétations parfaitement ciselées. Il faut dire que Boris Charmatz, s’est offert une distribution en or.
Des artistes éblouissants
En jeune femme, reprenant le texte de Schnitzler, qui a inspiré le chorégraphe, Marlène Saldana allume un feu sacré. Dansant sur pointes, François Chaignaud fait le show. Enfin, en reprenant deux de ses chorégraphies les plus mythiques, Anne Teresa de Keersmaeker envoûte et rappelle ô combien la danse est un art majeur de la précision, de l’itération et l’éphémère. Hypnotisant, les quelques spectateurs sur une musique de Steve Reich, puis sur une partition de Bach, elle offre le clou du spectacle, un pas de deux avec le sculptural Boris Charmatz.
Il en faut du talent pour habiter un espace aussi gigantesque que la nef du Grand Palais. Le chorégraphe chambérien en chef d’orchestre signe une Ronde sans fin, tumultueuse, enchanteresse. Un moment rare qu’il sera possible de découvrir sur France 5, le 12 mars prochain. Un rendez-vous à ne pas manquer. Et que vive l’art vivant !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
La Ronde de Boris Charmatz
Festival d’Automne à Paris
La Nef du Grand Palais – RMN
spectacle filmé sans public le 16 janvier 2021 et diffusé le 12 mars à 20h50 sur France 5
Durée de la Ronde 11h30 heures, composé d’un enchaînement de duos d’une durée totale de 3h30, interprété en continu.
Conception – Boris Charmatz
Assistante chorégraphique – Magali Caillet-Gajan
Lumières d’Yves Godin
Son d’Olivier Renouf
Directeur technique – Erik Houllier
Régie générale – Fabrice Le Fur assisté de François Aubry
Régie son -Perig Menez
Régie lumières – Nicolas Marc
Crédit photos © Marc Domage/@rmngp