Au théâtre du Rond-Point, Vincent Roca devait exceptionnellement reprendre pour Noël, Ma parole ! la pandémie et le gouvernement en ont décidé autrement. En attendant l’arrêt du Conseil d’État suite aux référés-liberté déposés par des associations et fédérations du monde du cinéma, de la musique, du théâtre ou encore des arts du cirque, retour sur un spectacle réjouissant, une véritable bouffée d’oxygène !
Écrire sur cet artiste est un exercice périlleux, tant il manie la langue française avec la dextérité des grands joueurs. La barre est si haute qu’il nous faut faire appel à tous les saints, syntaxe, synthèse, syncope, synchronisme, pour ne pas terminer dans le syncrétisme. Je vous donne la définition de ce dernier, parce qu’il le vaut bien : « appréhension globale et plus ou moins confuse d’un tout », dixit Le Petit Robert et la petite rousse !
Un dico en livre de chevet
Dans son enfance, en écoutant sa grammaire avec attention, Vincent Roca est tombé dans un dictionnaire. Il est, avec le regretté Alain Rey, un des rares à « avoir vérifié si les mots étaient bien rangés par ordre alphabétique dans le dico ». J’ai découvert cet homme de lettres en 1999 en allant le découvrir dans cette charmante petite salle du Tourtour, disparue aujourd’hui. Et depuis, je n’ai pas peur de l’avouer, je suis une grande admiratrice de ce véritable obsédé textuel pour qui « le mot râle, le mot ment, les mots quêtent, les mots filent sans besoin de perfusion. Comme il est bon de l’accompagner sur son chemin de mots et d’expressions pour suivre une métaphore, accéder à une hyperbole, tout en faisant une pause à synonyme et un arrêt à antonyme. Fiché dans toute la France, surtout celle d’Inter, souvent arrêté par la police de caractères, pour trafic de « mots et usages de mots », cet homme est un gentleman cambrioleur.
Jongleur de mots
Comparé à un magicien, des mots, des ellipses, des digressions, des jeux de mots, des métaphores, Vincent Roca entre en scène vêtue d’un costume de prestidigitateur. Comme à son accoutumée, et dans une mise en scène réglée au cordeau par Gil Galliot, il enchaîne les numéros de bravoure et s’amuse avec la diversité de la langue française pour nous distraire intelligemment. A son aise en rhétorique, il jongle avec la thèse et l’antithèse pour dire tout et son contraire. Et comme son vocabulaire ne manque pas d’idées et d’imagination ; il va jouer avec les verbes, se faire dresseur de proverbes. Dans une réflexion de haut vol, Roca fait défiler ses réflexions sur la vie, le temps qui passe et se perd souvent, la mort, les religions, la politique, le racisme, la bêtise, Marcel Proust, Marguerite Duras. Mais il nous parle aussi de la tendresse et de l’amour avec toute la poésie que nous lui connaissons. Vous l’avez compris, amis de la langue française, des beaux mots et des délires verbaux et verbeux, savourez les délices de ce spectacle avec gourmandise.
Marie-Céline Nivière
Ma Parole ! de Vincent Roca
Spectacle créé le 7 juillet 2017 au Festival off d’Avignon, Théâtre le Petit Chien
Théâtre du Rond-Point
2bis avenue Franklin D. Roosevelt
75008 Paris
durée 1h00
Mise en scène de Gil Galliot
Avec Vincent Roca
Lumière et musique Additionnelle de Roland Catella
Crédit photos © Anne-Elise Barré et Crédit illustration © Stéphane Trapier