Cher Public,
Chères et Chers Collègues,
Chères lectrices et lecteurs de ces mots,
Pas un jour ne passe sans que je ne pense à vous, toutes et tous. Au manque, aux espaces vides que vous laissez dans les lieux de culture, à votre absence, à nos absences, aux plateaux en déshérence, à nous, les artistes du spectacle vivant – qui n’a plus que son nom pour dire ce qu’il devrait être.
Mais la crise sanitaire s’est bien installée. Elle est là. On ne voit pas le virus mais on ne parle que de lui. Alors pour penser à autre chose que cette crise, pour imaginer « l’après », nous avons travaillé, collectivement, à imaginer le théâtre que nous rêvons, à réfléchir sur le théâtre que nous avons fait jusqu’alors et ce que nous ferons demain – que serait un théâtre exemplaire pour nous? Qui consomme moins? Qui – alors qu’il est l’art de l’éphémère, de l’instant partagé – penserait aussi aux futures générations et au monde que nous leur laisserons? Qui agirait sur les imaginaires et sur le réel?
Alors quand l’avenir reviendra, quand nous nous retrouverons, quand nous nous embrasserons même (et ce simple geste semble si loin déjà) – quand nous pourrons à nouveau faire des poignées de mains à des inconnu·e·s, alors nos projets futurs seront différents. Impactés par cette traversée silencieuse, mais surtout réinventés en mettant en oeuvre ce manifeste que nous avons écrit, à six mains.
Parce que ce temps forcé, brutal par les décisions qui nous laissent parfois pantois et pantelants tant elles semblent iniques, ce temps nous a permis de réfléchir au théâtre que nous voulons continuer à défendre – bientôt – peut-être.
Ce théâtre, nous le voulons responsable, écologiquement et socialement. Nous avons pris cet engagement ferme. Nous avons couché des mots et des désirs dans un texte que nous partageons enfin…
Il est à vous maintenant. Vous pouvez le lire, et vous pouvez y participer collectivement, y ajouter vos remarques. C’est un objet perfectible, et en mouvement. Nous, nous essaierons d’en rendre compte du mieux que nous pouvons, et surtout de préparer nos projets futurs en l’appliquant à la lettre… Parce qu’il n’est plus temps de parler, il n’est plus temps d’attendre, il faut agir. Chacun·e a sa hauteur, selon ses possibilités et ses moyens.
Nous, même si actuellement les salles sont fermées, nous continuons à penser et faire du théâtre – aujourd’hui nous répétons quand même Les Misérables au TBB d’Yverdon pour faire une captation en lieu et place des sept représentations scolaires prévues pour des classes d’adolescent·es. C’est donc les moyens du théâtre que nous utiliserons pour mettre notre manifeste en pratique.
J’espère que vous nous rejoindrez dans ces revendications, et j’espère aussi que nous nous reverrons dans des salles de spectacles ou ailleurs (dans un champs, lors d’une balade-lecture, que sais-je encore), pour partager à nouveau l’essence du spectacle vivant: des vivant·e·s face à d’autres vivant·e·s, en vrai.
Bien à vous, en vous souhaitant la santé.
Eric Devanthéry, comédien et metteur en scène, corédacteur du manifeste,
pour la compagnie Utopia
Crédit photos © P. Uhlmann