Médiatrice et responsable de la programmation du MAIF Social Club, Chloé Tournier cherche en permanence à faire dialoguer art et société à travers des thématiques d’actualités. Après l’écologie l’an passé, c’est autour des savoirs et de la transmission que s’articule l’exposition ouverte en septembre dernier. Confinement oblige, la manifestation a dû se réinventer, s’adapter en devenant itinérante. Entretien avec une femme Trop Classe !
Comment vous est venue l’idée de monter une exposition sur la transmission, sur l’apprentissage ?
Chloé Tournier : Le MAIF Social Club développe une programmation semestrielle, thématisée. Le choix du sujet fait l’objet de discussions en interne, en équipes. Comme pour le reste, nous favorisons au maximum l’intelligence collective. Pour faciliter la prise de décision dans ce contexte, quelques critères peuvent s’avérer utiles.
Nous cherchons à aborder des thématiques suffisamment transverses pour que chacun et chacune puissent y trouver source de questionnements. Autrement dit que cela puisse faire écho à un vécu personnel et à une lecture plus macro et sociétale.
Par ailleurs, nous nous exerçons à l’art difficile qui consiste à deviner le sujet qui fera possiblement l’actualité au moment où nous prendrons la parole, soit environ un an et demi après ! Nous avons choisi d’aborder la transmission des savoirs et ce bien avant que la crise sanitaire que nous traversons actuellement apporte son lot d’interrogations sur l’école à la maison, l’apprentissage en distanciel ou même l’essence de ce qui est – ou non – essentiel.
Une fois la thématique choisie quel a été le fil conducteur de l’exposition ?
Chloé Tournier : Plus qu’une exposition, Trop classe ! est une installation performative qui interroge les intelligences multiples. Les usagers du MAIF Social Club sont invités à prendre part à des dispositifs interactifs, qui invitent à venir expérimenter l’une ou l’autre de ces différentes intelligences. Il était important pour nous de mettre en lumière la diversité des formes de connaissances et de compétences : l’intelligence manuelle par exemple, au cœur de l’exposition à travers un Fablab mobile, l’intelligence créative via une fresque collective, l’intelligence émotionnelle reflétée dans les vidéos d’enfants et de jeunes proposées par Mohamed El Khatib et Valérie Mréjen.
Quel que soit le sujet de l’exposition, notre méthodologie reste la même. Je prends souvent l’image du mur d’escalade. Dans les salles d’escalades, vous allez voir monter sur un même mur des jeunes enfants (en utilisant toutes les prises pour arriver en haut) et des professionnels (qui utilisent une ou deux prises pour arriver en haut). Nous veillons à ce que coexistent au sein d’une même exposition différents parcours, pour les plus jeunes comme pour les adultes, pour les experts d’un sujet comme pour les novices, afin que chacun.e puisse prendre du plaisir et apprendre, pour dans tous les cas « arriver en haut ».
Comment s’est fait le choix des artistes exposés et quels ont été les critères ?
Chloé Tournier : Au MAIF Social Club, nous travaillons main dans la main avec des commissaires indépendants que nous choisissons sur nos différentes expositions. Nous échangeons donc et c’est en collectif que se choisissent les artistes exposé.e.s. Nous veillons toutefois à mettre en lumière autant de femmes que d’hommes et nous sommes vigilants par ailleurs sur la question de la visibilisation des minorités quelles qu’elles soient. Les artistes programmés s’expriment généralement dans le champ de l’art contemporain, du design ou de l’architecture.
Pour la partie arts vivants qui accompagne l’exposition, qu’est qui a été déterminant dans la programmation et le choix des spectacles ?
Chloé Tournier : Nous sommes un lieu pluridisciplinaire, et pour la partie arts vivants nous veillons à programmer aussi bien du théâtre, que de la magie, de la danse, de la musique et parfois du cirque. C’est important pour nous de maintenir cette multiplicité des points de vue sur un même sujet, et par là même aussi une grande diversité des publics. Nous accompagnons certains artistes depuis plusieurs années maintenant, dans l’ensemble de leurs projets. Nous faisons aussi systématiquement appel à des personnalités nouvelles, en fonction des sujets abordés. Avec notre projet « la fabrique des arts » nous souhaitons défendre plus encore la création en accompagnant la production de projet, en passant des commandes, et en accueillant en résidence des projets.
Qu’espérez-vous que retiennent les visiteurs de l’exposition ?
Chloé Tournier : J’espère avant tout que les visiteurs prennent leur temps dans cette exposition. Comme toute les « expériences artistiques » il faut accepter de ne pas survoler, mais de s’investir personnellement. Nous ne faisons qu’une proposition, aux usagers de voir s’ils souhaitent la saisir ou non.
L’exposition est en itinérance en ce moment. Comment l’avez-vous adaptée ?
Chloé Tournier : Nous avons fait le constat, lors des périodes de confinement, que certains lieux continuent à être ouverts à leurs publics comme les institutions scolaires. De la même manière certains lieux de vie sont occupés par un nombre de personnes assez important, comme les centres d’hébergement d’urgence. Notre rôle en tant qu’institution culturelle est de permettre la rencontre entre des projets artistiques et des publics, nous sommes donc allés au-devant de ces publics-là, qui fréquentaient des espaces scolaires ou vivaient dans des institutions sociales. Le public était là, mais il ne pouvait plus venir chez nous. Nous avons donc décidé d’aller au plus près en sortant de nos murs. Nous avons « délocalisé » plusieurs des dispositifs interactifs de l’exposition – et principalement le Mobilab, en adaptant nos propositions et nos ateliers. Trois salarié(e)s du MAIF Social Club sont aussi parti(e)s en itinérance avec ces dispositifs.
Pourquoi ce choix et comment allez-vous la présenter et où ?
Chloé Tournier : Continuer à faire l’essence de notre métier était une évidence. Nous voulions proposer une continuité de services, et d’autant plus pour les personnes potentiellement plus impactées par des mesures de confinement : les populations jeunes, ou les populations les plus paupérisées. Après une première étape de 15 jours au sein du collège de l’Europe de Chelles – les classes SEGPA – nous avons contacté notre partenaire Cultures du cœur Paris, qui a immédiatement activé son réseau de relais, et l’exposition a été présentée au sein du Centre d’hébergement les 5 toits, géré par l’association Aurore à Paris, puis au centre Fortification, géré par Adoma. Cette action, nous avons choisi de la pérenniser et entre mars et août 2020 l’exposition « Trop classe ! » en itinérance sera accueillie pour des durées de un mois dans 6 lieux partenaires du secteur social ou scolaire.
Entretien réalisé par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Trop la classe !
Exposition au Maif Social Club
37 rue de Turenne
75003 Paris
jusqu’au 13 février 2021
Accès libre hors période de confinement
Crédit photos © Sylvie Humbert/ MAIF, © Gaëlle Magder / MAIF et © Edouard Richard / MAIF
super travail!