Anne Sylvestre est morte le 30 novembre à 86 ans. Grande dame de la chanson française, dernière de cette génération qui écrivait pour nous parler de la vie, elle nous aidait à traverser ces « chemins de maux » que nous traversions et nous enchantait par sa poésie et son humour.
Mon cœur pleure des larmes ! Et mes souvenirs se ramassent à la pelle, fleurissant et embaumant mon cœur d’un parfum non pas nostalgique mais de mille et un petits bonheurs. Comme elle le chantait dans son album célébrant ses 50 ans de carrière en 2007, je suis une « rescapée des Fabulettes » génération 1964 même !
Conteuse de mots
Fabuleuses Fabulettes où le renard toussait, le flocon papillonnait sur les fenêtres, les chats jouaient à chat perché, les œufs étaient tout neufs … Pour l’époque, c’était une révolution ces chansons non bêtifiantes… Cela l’agaçait que l’on ne lui parle que de ses chansons contées, alors un jour, je lui ai expliqué, lors d’une de nos soirées qu’elle ne le devait pas. Car en montant sur son bateau, et il était très beau, j’y ai appris à naviguer sur la beauté des mots. La route était tracée pour Prévert, Desnos, Queneau… Elle avait été émue et avait éclaté de ce rire magnifique qui vous embarquait loin dans le bonheur.
Une grande dame de la chanson
Et puis j’ai grandi, j’ai rangé mes disques d’enfant, passant à autre chose. Du pire aux meilleurs… Je n’ai pas tout de suite compris que la dame qui chantait aux enfants avait aussi un répertoire pour les grands. C’est au hasard de la vie, assez tardivement je le reconnais, en 1995, à La Pépinière alors dirigé par Pierre Jacquemont, que j’ai comblé mes lacunes et que nous sommes devenues amies. Lazare et Cécile sont entrés dans ma vie… T’en souviens-tu la seine, j’étais Au bord des larmes, lorsque j’ai entendu ses textes si fins, émouvants, intelligents, militants, poétiques.
Un répertoire, une vie
Mais j’ai aussi bien rigolé avec d’autres, car la dame ne manquait pas d’humour. Anne Sylvestre chantait la vie et ses « impedimenta ». Sa plume traçait des mots sur nos chemins de maux. J’étais à l’Olympia en 1998, pour ses 40 ans de carrière, en 2007, au Trianon pour ses 50 ans ! Autour d’elle, je m’en souviens, il y avait Alain Leprest, Michèle Guigon, ses amis d’autrefois, qu’elle vient de rejoindre. J’avais manqué les 60 ans et je me disais que je me rattraperais la prochaine fois. Le temps a filé trop vite. Au revoir Madame, vous allez nous manquer !
Marie-Céline Nivière
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