Le monde du spectacle est de nouveau en deuil. Avec la disparition de Jean-Michel Boris, qui fut de longues années à la direction de l’Olympia, c’est une page d’histoire qui se tourne, celle de l’époque du Music-hall, mais surtout celle où le talent comptait plus que l’argent.
En 1954, à 21 ans, Jean-Michel Boris quitte Bordeaux et monte à la capitale pour faire des études de médecine. Arrivé à Paris, il passe embrasser sa tante Paulette et son mari Bruno Coquatrix. Ce dernier lui propose d’abandonner son idée et de venir le rejoindre à l’Olympia. De la technique à la régie, puis à la programmation, Jean-Michel va y apprendre tous les métiers. C’est ce qui faisait sa force. En 1959, il devient directeur artistique, puis co-directeur en 1970, et à la mort de son oncle en 1979, il en est le directeur général jusqu’en 2001, lorsque ,la mort dans l’âme, la famille Coquatrix a dû vendre sa mythique salle. Je conseille vivement la lecture de son livre 28, boulevard des Capucines : la fabuleuse aventure de l’Olympia (Éditions Acropoles) et du très bel ouvrage Olympia – Bruno Coquatrix. 50 ans de Music-Hall (Éditions Hors-Collections).
Un grand Monsieur
Pour l’avoir fréquenté, je peux dire que Jean-Michel Boris était un grand Monsieur. Générosité, curiosité, bienveillance, gentillesse, joie de vivre, droiture, voilà les adjectifs qui me viennent lorsque je pense à lui. Avec son air de monsieur tout le monde, sa disponibilité, il était difficile d’imaginer qu’il avait été à la tête de ce grand navire qu’est l’Olympia. Il allait partout, dans les festivals, les autres salles de spectacles, et le plus souvent dans ces lieux plus intimes voire improbables où se font les découvertes. En dénicheur de talents, il avait un sacré flair ! Toujours attentionné, il savait encourager le débutant, l’artiste en devenir. Il aimait rappeler qu’il « existe un public pour chaque artiste ».
Un passionné de cirque
Il aimait le cirque, dont les numéros passaient à l’Olympia. A cette période, avant le tour de chant de la vedette, il y avait tout un programme présentant divers artistes, allant des débutants aux chevronnés, du chanteur à l’humoriste, de l’acrobate au magicien. Durant trois années, j’ai été membre d’un jury d’un petit mais non moins prestigieux festival de cirque en banlieue parisienne et Jean-Michel en était le Président. C’était notre rendez-vous. Je me rappelle de la dernière fois où j’ai participé à la manifestation, il y avait une troupe chinoise. Évidemment leur prestation était impressionnante, mais ce savoir-faire des artistes était surtout le résultat d’un terrible dressage et cela se voyait sur scène.
Un honnête homme
Nous nous apprêtions à délibérer lorsque, les organisateurs très embarrassés font entrer la responsable de la délégation chinoise qui nous explique sans scrupule que nous devons donner le premier prix à ses ouailles ! La tête de Jean-Michel, je m’en rappelle encore. Il reste courtois et me regarde. Et là, je suis entrée dans une colère noire, expliquant que nous étions en démocratie et non sous le joug d’un régime communiste et j’ai claqué la porte en criant : « Vive le Tibet libre ! » Les Chinois sont à leur tour sortis de la salle. J’ai repris ma place. Jean-Michel, alors, me dit qu’en tant que Président, il se devait d’être diplomate. « Mais je savais que je pouvais compter sur toi ! Maintenant, nous pouvons démarrer nos délibérations librement ». Au retour, dans la voiture, nous avons parlé de ce qui pour nous semblait le plus important dans le spectacle : la sincérité ! Car elle autorise toutes les fragilités et fait la force d’un spectacle quel qu’il soit. Comme vous allez nous manquer Jean-Michel !
Marie-Céline Nivière
L’Olympia
28 Boulevard des Capucines
75009 Paris
Crédit photos © DR, © Paul Kiujcom et © Trissotin