Pour l’ouverture de sa petite salle, la Scala-Paris donne sa chance au tout premier spectacle de Ruthy Scetbon. Et bien lui en a pris, car Perte, spectacle clownesque, est une invitation au monde bien drôle et émouvant d’une artiste prometteuse.
Je connais Ruthy Scetbon depuis longtemps, depuis l’époque où étudiante en art théâtral, elle gagnait sa vie comme ouvreuse au Lucernaire. A cette époque, avec ses collègues, ils étaient une sacrée bande, et les rapports entre nous ont dépassé le simple bonjour-bonsoir, et il n’était pas rare de nous retrouver autour d’un verre après le spectacle pour parler essentiellement de théâtre. C’est dans une belle allégresse que nous avions fêté son admission à la grande et belle Ecole Jacques Lecoq, qui a formé tant d’artistes exceptionnels. Je découvrais alors que la discrète jeune femme était attirée par le travail du corps, du masque, de l’art clownesque. Les aléas de la vie ont fait qu’un temps nos chemins ne se sont plus croisés, jusqu’au jour où elle m’a envoyée une invitation pour découvrir son spectacle, mais n’étant pas libre sur ses dates, j’avais dû décliner.
Une belle découverte
Après le Lucernaire, c’est à la Scala-Paris qu’elle a exercé en tant qu’ouvreuse. Un jour, le directeur des lieux, grâce à son ancien responsable de communication Ronan Ynard, découvre que la jeune artiste vient d’écrire son premier seul-en-scène. Conquis, il a décidé de la programmer pour l’ouverture de la Piccola – sa salle mouchoir de poche – et de la produire. L’occasion était parfaite, je me suis rendue à la première, voir ce spectacle créer par une jeune fille qui n’a jamais démérité, travaillant d’arrache-pied, pour pouvoir vivre un jour de son métier et surtout créer.
Une nouvelle recrue chez les clowns
Dans le monde des clowns, les femmes ne sont pas légion, mais de plus en plus présentes. Emma la Clown et Françoise des Nouveaux Nez peuvent, sans rougir, accueillir la petite nouvelle. Ruthy Scetbon s’est forgée un beau personnage de clown, avec sa robe bleue, son sac banane et son petit nez bordeaux. Un regard, une attitude, un petit rien et elle vous montre tout ce qui se passe dans la caboche de cette petite femme de ménage toute timide, habituée à ne pas être vue par les autres. Avec elle, le rire s’accroche toujours à une part d’émotion.
De l’ombre à la lumière
Accrochée à son balai, elle nettoie la scène. C’est son job ! Ce soir, elle est surprise car la salle n’est pas vide ! Est-elle en retard, sommes-nous en avance ? On ne sait pas, mais elle va faire son travail avec application, ne cessant d’aller d’un point A à un point B, et si elle se trompe recommence, parce qu’elle est trop perdue et qu’aucun grain de poussière ne doit échapper à sa sagacité. Elle va tenter de se fondre dans le paysage, puis décider, prenant son courage à deux mains, de nous parler. Pas facile les mots quand on est habitué à se faire oublier. C’est tout joli, parce qu’elle est touchante, et que son objectif est pour une fois d’être le centre de quelque chose. Et comme la servante de théâtre, la lumière que l’on met sur la scène quand tout est éteint, elle va briller.
Sans perte et beaucoup de beau fracas
Perte, c’est le nom du spectacle. Pourquoi ! Est-ce la perte de l’identité ! En tout cas, je l’assure, ce n’est pas une perte de temps ! Co-écrit avec Mitch Riley, qui signe aussi la mise en scène, ce premier spectacle fonctionne très bien. Une clown est née, retenez son nom : Ruthy Scetbon.
Marie-Céline Nivière
Perte de Ruthy Scetbon et Mitch Riley
Piccola de la Scala Paris
13 boulevard de Strasbourg
75010 Paris
Jusqu’au 26 novembre 2020
Durée 55mn
Mise en scène de Mitch Riley
Avec Ruthy Scetbon
Crédit photos © Chloé Tocabens