En marge du Printemps des comédiens, le metteur en scène Julien Bouffier a imaginé, depuis 2018 un temps fort, baptisé le Warm up. Malgré l’annulation en juin du festival montpelliérain de théâtre, cette manifestation annexe, dédiée à la recherche artistique, a pu être reportée début octobre. Plongée immersive dans les coulisses de la création théâtrale.
Qu’est-ce que le Warm up ?
Julien Bouffier : Le warm up, c’est à la fois l’occasion de montrer à un public des travaux en cours et de l’autre permettre aux équipes artistiques d’avoir des premiers retours sur leurs recherches. C’est chercher l’endroit du dialogue entre celui qui regarde et celui qui montre d’une autre façon que le spectacle abouti. Un endroit plus poreux, plus ouvert aux échanges. Un moment où les certitudes ne sont pas encore trop ancrées et où les retours peuvent encore modifier les choix des artistes. C’est un moyen d’accompagnement des équipes artistiques dans leur recherche artistique et de production, la possibilité que de nouveaux producteurs les aident dans leur cheminement.
Le warm up, c’est travailler son regard critique de citoyen en assistant à des étapes publiques de travail, à une émission de la web radio du Printemps des Comédiens en direct et ainsi rencontrer des artistes du festival. C’est aussi participer au Beau Regard, groupe hétérogène de spectateurs, constitué autant de jeunes spectateurs que de plus aguerris. Ce Beau Regard propose au public d’échanger avec les équipes artistiques après leur monstration pour témoigner de ce qu’ils ont perçu de leur travail. Différent des « bords plateaux » habituels car ce ne sont pas les artistes qui s’expliquent sur ce qu’ils ont voulu faire mais les spectateurs, rejetant le « j’aime, j’aime pas » font état de ce qu’ils ont vu. Car la question est bien là, qu’est-ce qu’on voit, quand on regarde quelque chose qui n’est pas terminé. Sommes-nous vraiment dans l’ici et maintenant ou dans la projection de ce que pourrait être le spectacle plus tard.
Comment s’inscrit-il dans la programmation habituelle du Printemps des comédiens ?
Julien Bouffier : Habituellement, le Warm up est un temps fort du Printemps permettant au public, en particulier les professionnels d’assister au Warm up dans la journée avant de voir la programmation du festival le soir.
Était-ce important de maintenir une édition cette année malgré l’annulation du festival ?
Julien Bouffier : Oui, c’était important. Jean Varela ne voulait pas réchauffer le plat d’un Printemps des Comédiens qui n’aurait pu être que très limité et ne pas du tout ressembler à ce qu’il avait imaginé et je le comprends. Pour le Warm up, c’est différent. Il s’est retrouvé augmenté des spectacles de sortie de l’École nationale d’Art dramatique (qui étaient aussi programmés pendant le festival en juin). En se dissociant temporellement du Printemps, il a gagné en importance. C’est un signal important que ce Warm up. C’est un redémarrage. C’est regarder loin devant, que ce soit pour les équipes artistiques qui présentent des étapes publiques de travail que pour ces jeunes actrices et acteurs qui rentrent dans leur vie professionnelle. Le Warm up, c’est ce temps d’échauffement pour les voitures avant une course. Voilà, on s’échauffe dans ce début de saison particulière, on reprend notre respiration dans ce temps bienveillant qu’est le Warm up avant d’affronter les aléas du chemin qui reste à parcourir, et qui, sans être devin, risque d’être sacrément accidenté.
Quels ont été les moments importants de ce week-end d’octobre ?
Julien Bouffier : Cela a permis aux spectateurs de se mettre au point. Je veux dire de mettre au point leurs yeux. De « focusser », comme on dit. De chercher le « net », de chercher la bonne distance par rapport à ce qu’ils regardaient. Chacune des étapes de travail présentées n’était pas au même point d’avancement, certaines équipes en étaient au début de leurs recherches, d’autres étaient plus avancées, certaines s’appuyaient sur un texte, d’autres sur de la collecte de documents, d’interviews. Le public pouvait ainsi appréhender comment ces artistes mettaient en œuvre leurs créations. Ce qui était aussi passionnant, c’est que toutes les propositions avaient une approche documentaire. Elles parlaient de cette ville frontière de l »Espagne, la Jonquera, où existent des supermarchés de prostituées ou de la difficulté d’être fille d’exilée politique, de l’impérialisme de certaines langues sur d’autres, du monde du Strip-tease, ou de la vie des femmes gitanes dans un quartier de Montpellier.
Ce week-end a été un voyage donc entre différents pays, entre différentes acceptations de ce qu’est l’autre. J’espère un voyage vers l’autre et la curiosité.
Entretien réalisé par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Warm-up – Printemps des Comédiens Montpellier
Crédit photos © Julien Bouffier, ©Christophe Gauthier, © Lina Jusevicuité, © Raymond Roig