Seul sur la scène de la petite salle du Théâtre de Sartrouville Yvelines CDN, Vincent Dissez se glisse avec fièvre et intensité dans les mots de Jean-Luc Lagarce. Dirigé avec précision et justesse par Sylvain Maurice, le comédien donne le meilleur de lui-même et ressuscite, le temps d’un spectacle, l’esprit du dramaturge français mort trop tôt du sida en 1995.
Une scène nue, un immense écran lumineux en arrière-plan, pas besoin de plus pour donner vie aux textes plus ou moins autobiographiques de Jean Luc Lagarce. Sylvain Maurice ne s’y trompe pas. En artiste ciseleur, il sculpte le jeu de son comédien fétiche Vincent Dissez, le met à nu, habillé par les magnifiques lumières de Rodolphe Martin et laisse les mots du dramaturge attrapés, envoûtés.
Deux récits autobiographiques
La langue de Lagarce est singulière, belle. Elle est faite de répétitions, de redites, de reprises. Entre introspections et confessions, le dramaturge se raconte tout en faisant le portrait de ses congénères. Humain, il parle de ses faiblesses, de ses défauts, de ses envies, de ses doutes. Qu’il sorte du coma et doit réapprendre à vivre, comme dans L’apprentissage, ou qu’il s’épuise dans un voyage aux Pays-Bas pour suivre en tournée ses comédiens, comme dans Voyage à La Haye, l’auteur ne cherche pas à se donner le beau rôle, bien au contraire. Ce n’est pas son but. Son écriture est celle de l’urgence, de la nécessité de tout dire avant qu’il ne soit trop tard, qu’il ait oublié ou qu’il ne puisse plus le faire.
Un autoportrait cinématographique
Malade, ses jours étant comptés, Lagarce parle de son amour pour le théâtre, de ses angoisses, de ses peurs. Que la toile de fond soit un hôpital, où les rues d’Amsterdam ou de La Haye, sa vie défile à toute vitesse. En adaptant ces deux textes courts, Sylvain Maurice a, tout de suite, vu le potentiel cinématographique de cette prose. Jouant des travellings, des gros plans, des zooms arrières, il s’attache avec épure à souligner la puissance poétique des récits, leurs forces troublantes, leurs puissances sensibles, humaines.
Un comédien en état de grâce
Clairs obscurs, pénombre, halos incandescents, carrés lumineux aux multiples couleurs, servent d’écrin à Vincent Dissez. Torse nu, ou vêtu d’un tee-shirt, il ne fait plus qu’un avec l’auteur. Il s’approprie sa personnalité, son caractère. Il emprunte ses pensées, ses errances. Tout en retenue, en finesse pudique, il fait retentir la férocité, la causticité mâtinée de mélancolie de la plume « lagarcienne ». C’est terriblement intense, passionnément émouvant.
Avec une simplicité parfaitement maîtrisée et hautement précise, Sylvain Maurice et son comédien font entendre à nouveau l’auteur du Pays lointain et laisse entrevoir l’homme derrière l’artiste. Avec délicatesse et ingéniosité, Un jour, je reviendrai frappe net et juste.
Olivier Frégaville-Gratian d’ Amore
Un jour, je reviendrai d’après L’Apprentissage et du Voyage à La Haye, deux récits autobiographiques de Jean-Luc Lagarce
Théâtre de Sartrouville Yvelines CDN
Place Jacques-Brel – BP 93
78505 Sartrouville cedex
mise en scène de Sylvain Maurice assisté de Béatrice Vincent
avec Vincent Dissez
scénographie ce Sylvain Maurice en collaboration avec André Neri
costumes de Marie La Rocca
lumière de Rodolphe Martin
son et régie son deCyrille Lebourgeois
régie générale d’André Neri
régie lumière de Sylvain Brunat
Crédit photos © Christophe Raynaud de Lage