A Biarritz, la 30e édition du Temps d’aimer s’est ouverte en fanfare ce week-end. Face à la reprise de l’épidémie, aux réglementations sanitaires de plus en plus strictes, Thierry Malandain, directeur artistique du festival, a tenu malgré tout à maintenir ce premier grand rendez-vous automnal entre public et artistes. Un moment suspendu, délicat sous le signe de la diversité chorégraphique.
En ce mois de septembre singulier, le soleil brille de mille feux dans le ciel bleu de Biarritz. Surfeurs, baigneurs, festivaliers, tous masqués, Covid oblige, se mélangent joyeusement dans les rues de la ville. Le temps semble arrêté. L’été brûle ses dernières flammes, l’automne pointe tranquillement son nez. La menace de la pandémie, bien que présente, semble lointaine. Sous le regard bienveillant du fameux rocher de la Vierge, la danse est à la fête. C’était moins une, mais Thierry Malandain, avec l’accord de Roselyne Bachelot, ministre de la Culture, de la mairie et de la préfecture, a réussi l’exploit que Le temps d’aimer, premier grand festival de danse de la saison puisse avoir lieu. A voir les mines réjouies des artistes et du public, même si tous doivent jongler avec les aléas de la crise sanitaire – jauges modifiées au jour le jour, programmation réduite, compagnies étrangères absentes – le pari est gagné. L’art vivant sauvé, célébré.
Trio guerrier
Au parc Mazon, loin des plages, des rues commerçantes du centre-ville, la compagnie Rêvolution d’Anthony Egéa a installé, en plein cagnard, un ring de métal. Sur le bitume du terrain de sport, la chaleur est étouffante. En jeans et hauts noirs, les trois interprètes entrent en scène. Fières, droites, elles se jaugent, se mesurent, se défient. Jade Paz Bardet, Elodie Allary et Monica Ramirez, attaquent le sol chauffé à blanc sur leurs pointes. Défiant les éléments, la température extrême, elles s’affirment, revendiquent leur droit d’exister. Ballerines rock, danseuses urbaines, elles passent d’un registre à l’autre, ne s’épargnent aucune peine. Mise en bouche fort alléchante pour débuter cette trentième édition du Temps d’aimer, Uppercut est une performance fragile mais plein de fraicheur. A suivre …
Nach, la révélation
Jouant de son corps androgyne, Anne-Marie Van alias Nach livre une chorégraphie intense, saisissante qui met tout le monde K.O. Formée au KRUMP – acronyme anglais pour Kingdom Radically Uplifted Mighty Praise – , au rite du combat, à la danse de rues protestataire, l’artiste explore toute forme d’expression, se nourrit autant de l’univers cinématographique de Lynch, de l’esthétisme d’artistes photographes comme l’américaine Francesca Woodman, que de l’écriture chorégraphique d’Heddy Maalem, avec qui elle a collaboré. Guerrière luttant pour sa survie, prisonnière rêvant de liberté, femme fatale, sensuelle, enfermée dans une vision patriarcale que lui renvoie la société, elle se met à nu dans un solo furieux et enflammé.
Une guerre intérieure
Dans un décor fait de murs gris, où sont projetés des photos rappelant les origines du Krump, danse née à Los Angeles dans les années 2000 suite à des émeutes raciales provoquées par l’impunité de la police ayant tué un jeune Noir, Nach invoque ce fait divers, auquel elle se sent intiment liée, pour mieux en dénoncer l’horreur, pour mieux s’en affranchir et délivrer sa propre pensée. Corps enragé, exalté, la performeuse brûle les planches, transcendant les codes, les cultures dans un clair-obscur de toute beauté. Frappant du poing les airs, jamais à terre, toujours vibrante, debout, la belle amazone irradie l’espace et marque de son empreinte l’édition 2020 du festival biarrot.
Jump et alors
Au Casino, (La) Horde, jeune collectif à la tête du Ballet national de Marseille, présente au casino, l’une de ses premières pièces, To Da Bone, qui revisite l’histoire très récente du Jumpstyle, un mouvement de l’ère « post-internet ». Sur une scène nue, onze artistes internationaux, dont une seule femme, bondissent sans cesse,une heure durant. Il faut dire qu’il faut s’accrocher pour suivre la rapidité des pas, la cadence des sauts, la précision des gestes. Cette « battle » dansée, qui s’appuie sur les rythmes d’une musique techno, éléctro, se compose d’une succession de sautillements très énergiques qui s’enchaînent à une vitesse folle. Virtuoses, survoltés, les interprètes n’ont pas une minute à eux. La performance est indéniable, bien qu’anecdotique. Faute d’une écriture plus soutenue, le spectacle se résume à une prouesse acrobatique, certes de haute volée, mais qui très vite se perd dans les limbes de nos mémoires. Dommage !
Patchwork musical sous perfusion
Après avoir pu assister, au premier filage très prometteur de L’Ambition d’être tendre de Christophe Garcia, direction le Théâtre du Casino. Autre ambiance, autre genre, la chorégraphe Christine Hassid propose un ballet écho responsable en manque de souffle. La volonté de danser, d’être sur le plateau, se lisent sur les visages des cinq interprètes. Ils donnent de leur personne avec une belle générosité. Malheureusement, cela ne suffit. Très vite, le spectacle entremêlant les genres allant du néoclassique au contemporain, tourne à vide. La musique, les ruptures de style n’y changent rien. Le rendez-vous est raté.
Malandain impérial
Après 5 mois loin des salles, les danseurs du Malandain Biarritz Ballet renouent charnellement avec leur public. Reprenant Mozart à deux et un long extrait de La Pastorale, créé l’an passé pour célébrer les 250 ans de la naissance de Beethoven, Thierry Malandain fait chavirer le cœur des festivaliers. Sublimant les gestes, la haute technicité du corps de ballet de la compagnie biarrote, les lumières, de Jean-Claude Asquié et François Menou invitent aux songes. S’appuyant sur les belles musiques de ces compositeurs virtuoses, le chorégraphe normand signe un rêve en deux temps enchanteur et captivant.
Pas de deux, danse de groupe
Chaque mesure, chaque note révèle une intention que Thierry Malandain traduit pas un geste, un mouvement. Tantôt espiègle, tantôt solennel, il s’amuse et délie son écriture, sa palette chorégraphique. Les duos se prêtent parfaitement aux grands airs de Mozart, tandis que La Pastorale de Beethoven invite au partage, au regroupement. Il vise juste. S’appuyant sur l’excellence de sa troupe, il revisite les parades amoureuses, les danses tribales et les rites initiatiques. Le moment est suspendu, intense. La soirée s’achève magistralement sur les applaudissements redoublés d’un public trop longtemps privé d’art vivant.
Les cœurs réchauffés, les âmes nourries, le Temps d’aimer lance en beauté une saison qui s’annonce particulièrement chaotique et capricieuse. Chapeau donc à la Ville de Biarritz, à Biarritz Culture et à Thierry Malandain d’avoir osé un pari qu’ils relèvent haut la main !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – envoyé spécial à Biarritz
Le temps d’aimer la danse
Biarrtiz Cutlure
Malandain Biarritz Ballet
Jusqu’au 20 septembre 2020
Uppercut d’Anthony Egéa
Parc Mazon
Dimanche 13 septembre 2020
Tournée Le 26 septembre 2020, au Festival Les Arts Mêlés à Eysines
Le 27 septembre 2020, au Festival Cadences à Arcachon
Direction artistique et chorégraphie d’Anthony Egéa assistée d’Émilie Sudre – spectacle pour 3 danseuses
Scénographie & Lumières de Florent Blanchon
Costumes d’Hervé Poeydomenge
Création musicale d’Olivier Huntemann – Magnet Frank 2 Louise – Pressure / Humanis corporis
Cellule de Nach Van Van Dance Company
Le Colisée
Dimanche 13 septembre 2020
Tournée
le 01 octobre 2020 au Lux Scène Nationale, Valence
le 29 octobre 2020 au Centre Culturel de Rencontre Abbaye de Neumünster, Luxembourg
le 31 octobre 2020 au Théâtre La Colonne, Miramas
le samedi 13 février 2021 à 20h à la Rose des Vents, à Villeneuve d’Ascq
le 09 mars 2021 au Théâtre d’Aubusson
le 11 mars 2021 au Théâtre de Cournon
18 mars 2021 au Lux Scène Nationale, Valence
le 26 mars 2021 à la Mégisserie, St-Junien
le 09 avril 2021 à Pôle Sud, Strasbourg
Chorégraphie, interprétation, textes et images de Nach
Scénographie, conception lumière et vidéo d’Emmanuel Tussore
Directeur technique, conception son Vincent Hoppe
Construction décor Boris Munger et Jean-Alain Van
To Da Bone du Collectif (La)Horde (Ballet national de Marseille)
le 13 septembre au Théâtre du Casino Barrière
Conception et chorégraphie de Marine Brutti, Jonathan Debrouwer et Arthur Hare – Spectacle pour 11 danseurs
Composition sonore d’Aamourocean
Conception lumière de Patrick Riou
Régie générale et assistante lumière de Claire Dereeper
Costumes de Lily Sato
N’ayez pas peur ! de Christine Hassid Project
Le 14 septembre 2020 au théâtre du Casino Barrière
Tournée
le 13 mars 2021 au Théâtre Le Parnasse, Mimizan
le 26 mars 2021 au Théâtre municipal de Sens (Yonne)
Chorégraphie de Christine Hassid – spectacle pour cinq danseurs
Dramaturge de Pierre Boisserie
Scénographie & Lumière de Caillou Michael Varlet
Scénographie d’Angèle Fachan assistée de Margot Bellanger
Costumes de Chouchane Abello assistée de Jean Doucet
Beethoven 6 & Mozart à 2 de Thierry Malandain
CCN Malandain Ballet Biarritz
Gare du Midi
Samedi 12 et lundi 14 septembre 2020
Mozart à 2 – Ballet pour 10 danseuses et danseurs
Musique de Wolfgang Amadeus Mozart
Chorégraphie de Thierry Malandain
Décor et costumes de Jorge Gallardo
Lumières de Jean-Claude Asquié
Partie symphonique de la pièce de La Pastorale
Ballet pour 22 danseuses et danseurs
Musique de Ludwig van Beethoven
Chorégraphie de Thierry Malandain
Décor et costumes de Jorge Gallardo
Lumières de François Menou
Crédit photos © deOtero, © OFGDA et© Olivier Houeix