Au Kiasma, salle municipale de Calstenau-le-Lez, dans le cadre de Montpellier Danse, Raimund Hoghe reprend, seize ans après sa création, Young people old voices, dans une version revue et resserrée. Conçue pour douze jeunes interprètes, cette pièce rituelle et initiatique suspend le temps et offre aux spectateurs un moment tendre et délicat en cette période étrange qui exacerbe les comportements agressifs, le repli sur soi et fait ressortir les noirceurs de l’âme humaine.
Dans une lumière presque blafarde, sur les premières notes d’Avec le temps va, tout s’en va de Léo Ferré, Raimund Hoghe fait son entrée sur le plateau. Corps déformé, silhouette ramassée, il avance lentement vers le devant de la scène. Présence étrange autant que lumineuse, le chorégraphe allemand de 71 ans investit l’espace en change imperceptiblement l’atmosphère. Le temps s’arrête. Comme dans un rituel de passation, de transmission, il égrène, dans un souffle de voix, les noms de ses douze nouveaux disciples, qui le rejoignent l’un après l’autre. Face au public, ils scrutent l’horizon, se laissent emporter dans une lancinante procession où la banalité des gestes quotidiens est sublimée.
Corps sans artifice
Explorant la mémoire collective, Raimund Hoghe signe une pièce épurée et minimaliste. Loin de tout artifice, chaque mouvement s’inscrit dans la durée. Chaque déplacement est millimétré. Refusant les normes, les cases, le chorégraphe poursuit son engagement contre la dictature esthétique, contre la mode. Il choisit chacun de ses interprètes pour ce qu’il dégage non pour son physique. Tous jeunes, ils viennent tels des élèves assidus, conquis, recevoir la parole de l’artiste hors-norme. Tous au diapason, ils dansent, se recueillent et communient.
Une grand messe humaine
Sur les chansons populaires de Jacques Brel, Bette Davis ou Dean Martin, Raimund Hoghe revisite le Sacre du printemps et, dans un geste plein de compassion, offre à la nouvelle génération, une écriture chorégraphique réduite à sa plus simple expression. Lancinante autant que fugace, cette pièce remaniée, resserrée, seize ans après sa création, boucle un cycle, une parenthèse enchantée de près de 20 ans. Tout comme Dalida reprenant à la fin du spectacle la chanson de Ferré, le chorégraphe passe le relais. Loin de conclure son œuvre, que l’on espère encore prolifique, Moments of young people invite à voir le monde autrement, à regarder vers un avenir où tout est encore impossible, rien n’est inscrit dans le marbre.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Montpellier
Moments of young people de Raimund Hoghe
Montpellier Danse
Le Kiasma
1 rue de la Crouzette
34170 Castelnau-le-Lez
les 21 et 22 septembre à 20 h
Durée 1h15 environ
Conception, chorégraphie et décors de Raimund Hoghe
Collaboration artistique – Luca Giacomo Schulte
Avec Raimund Hoghe et 12 jeunes français et portugais
Lumières de Raimund Hoghe, Amaury Seval
Son de Silas Bieri
Crédit photos © Rosa Franck