Prenant possession d’une cour d’école, d’un sous-sol ou d’un parking, le Munstrum de Louis Arene et de Lionel Lingesler projette le public dans un futur proche et post-apocalyptique. Rien n’a survécu, à part trois clowns. A eux de réinventer le monde d’après. Brillant !
Une poudre blanche, de la poussière grise recouvrent le sol, les murs. Une grande poubelle est renversée sur le flanc. Des bouteilles vides de plastique sont éparpillées çà et là. Pas un bruit pour perturber cette vision apocalyptique. La catastrophe a eu lieu. Rien ne semble avoir survécu. Soudain, au loin des pas se font entendre. Une silhouette boitillante apparaît. Regard hagard, un être de chair, de sang, ou du moins ce qu’il en reste, s’avance, scrute les lieux déserts et lentement s’en approprie la jouissance.
Un après solitaire
Tel un spectre, un fantôme, il cherche dans les débris de quoi survivre. Tantôt, un rire tonitruant le secoue de spasmes. Cela ne dure à chaque fois qu’un instant, très vite le visage blanchi par le cataclysme se fige. L’horreur de ce qu’il a vécu lui revient. Il est pris d’un abattement neurasthénique. Seul son nez rouge, celui d’un clown, contraste avec le reste et donne l’espoir d’un après différent, incongru, burlesque. Miraculé, pionner d’une terre dévastée à réinventer, l’homme est rejoint par deux de ses congénères.
Une cohabitation délicate
Après le chaos, la solitude, la rencontre avec ses semblables est difficile. Pas de joie pour ces retrouvailles, c’est une guerre de territoire qui fait jour. Le peu de ressources fait ressortir les pires instincts de survie. Derrière le plâtre blanc des masques, un souffle de vie anime nos trois pantins. Entre rêve de domination, amour et compassion, une riche variété de palettes émotionnelles les submerge et les rend terriblement humains.
Une tragicomédie savoureuse
Croquant avec malice les travers de nos sociétés contemporaines, le Munstrum signe une farce politique et sociale particulièrement délectable. Spécialisés dans le théâtre de masques, burlesque et fantasmagoriques, Louis Arene et Lionel Lingesler s’en donnent à cœur joie avec trois fois rien et livrent un spectacle sans chichi mais terriblement efficace. Forçant le trait des trois protagonistes, tour à tour grotesques, loufoques ou attachants, ils entraînent le public conquis dans un nouveau monde où mélancolie et extravagance se marient passionnément.
Porté par trois comédiens épatants – Louis Arene, Sophie Botte et Delphine Cottu, Clonwnstrum est un petit bijou De fantaisie qui conjugue déshérence, espérance et joie avec gourmandise et finesse. Chapeau les artistes !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Clownstrum du Munstrum
Festival Paris l’été
Lycée Jacques-Decour en extérieur
12, avenue Trudaine
75009 Paris
Dimanche 2 août 2020 à 15h30 et 19h00
Durée 50 minutes
Gratuit sur réservation
Le Quai – CDN d’Angers Pays de Loire
parking souterrain du Quai
du 7 au 11 septembre à 19h et le 12 septembre à 16h
Sur réservation
Conception et interprétation de Louis Arene, Sophie Botte et Delphine Cottu
Mise en scène de Louis Arene et Lionel Lingelser
Collaboration artistique de François De Brauer
Création nez, costumes, maquillages de Louis Arene
Crédit photos © Darek Szuster